Newsletter AEC du 24 novembre 2017

Chers amis de l’AEC Dans cette dernière newsletter de l’année 2017 (Novembre/Décembre), vous trouverez diverses informations concernant notre association: 1) VIE DE L’AEC: A) Rappel de l’AG du 15 décembre Vous avez reçu le 8 novembre la convocation à notre prochaine AG. Vous la trouverez à nouveau ici Télécharger « AECAG2017convocation et procuration.doc » ainsi que le formulaire de procuration. A retenir: -AG vendredi 15 décembre de 17h à 19h, salle 315, Université Panthéon-Assas, 92 rue d’Assas, Paris. -Pour ceux qui ne peuvent venir, merci de renvoyer une procuration, et, si vous le souhaitez, vos suggestions concernant les perspectives et l’avenir de l’AEC -Pour ceux qui viennent, merci de m’indiquer dès que possible votre présence, afin de déposer la liste des participants à l’accueil et de faciliter ainsi votre accès aux locaux. B) Rappel du colloque du 16 décembre Le colloque Académie catholique de France/AEC, dont vous trouverez le programme ci-dessous, a lieu samedi 16 décembre, au collège des Bernardins, 20 rue de Poissy, 75005 Paris, de 9h30 à 18h sur le thème “La doctrine sociale de l’Eglise face aux mutations de la société”. Inscription préalable obligatoire pour ceux qui veulent y participer (détails dans le bulletin d’inscription ci-dessous). Programme: http://www.academiecatholiquedefrance.fr/images/colloque-programme.pdf Bulletin d’inscription: http://www.academiecatholiquedefrance.fr/images/colloque-inscription.pdf Indications générales: Colloque annuel 2017 : La doctrine sociale de l’Église face aux mutations de la société Ma présentation des thèmes du colloque sur KTO: Jean-Yves Naudet : La doctrine sociale de l’Eglise face aux mutations de la société. Depuis Rerum novarum, l´Eglise offre aux hommes de bonne volonté le trésor de son enseignement social. Le magist… C) Vidéos du colloque AEC/Amitié politique du 25 mars 2017 “Economie et lien social” Monseigneur de Moulins-Beaufort: http://amitie-politique.org/economie-et-lien-social-par-mrg-eric-de-moulins-beaufort J. Thouvenel, V. Mendez, M. Hervé, P. de Lauzun, F. Martin: http://amitie-politique.org/lien-social-et-entreprise J. Bichot, J-Y Naudet, E. de Lutzel, J-B de Foucauld: http://amitie-politique.org/lien-social-et-subsidiarite 2) PUBLICATIONS DES MEMBRES DE L’AEC: – Laurent Barthélemy: Le christianisme est-il à l’origine du capitalisme? 5. Que disent les anti-capitalistes? Le christianisme est-il à l’origine du capitalisme? 6. La question des corporations de métiers Une évolution du droit des entreprises vers le bien commun ou la RSE? -Etienne Chaumeton: Le salaire minimum contribue-t-il au bien commun ? – EconomieMatin Le travail est constitutif de la nature humaine. La première parole adressée à l’homme après sa création l’appel… -Pierre de Lauzun: Migrations : une analyse économique et sociologique – PIERRE DE LAUZUN – Religion, philosophie, économie & politique : mes réflexions et mes livres Les migrations en cours sont un phénomène majeur et sans précédent qui mérite un examen réfléchi. Je propose ici… Le chrétien et la démographie – PIERRE DE LAUZUN – Religion, philosophie, économie & politique : mes réflexions et mes livres La question de la démographie est bien délicate dans le contexte chrétien. Surtout aujourd’hui. Il y a même un d… – Jacques Garello: Tous ses articles sur le site “libres!” Bienvenue sur www.libres.org libres.org : le portail de la pensée libérale : actualités, livres, commentaires, forum de discussion – Dominique Michaut: Tous ses articles sur le site “l’économie demain”: Précis d’économie objective Cours d’économie dont le concept de plus haut niveau est l’économie définie. Des propositions premières de scien… – Jacques Bichot: Tous ses articles sur les sites “Economie matin”, “Atlantico”, “Causeur”, “Famille chrétienne” et “l’Incorrect”, repris sur le blog de l’AEC: Bichot Jacques – AEC – Pierre Coulange: Rappel de ses ouvrages publiés à “Parole et silence”: Pierre Coulange – Parole et silence Pierre Coulange est prêtre, membre de l’Institut Notre-Dame de Vie où il enseigne la morale sociale et la Bible…. – Jean-Didier Lecaillon: Le programme 2017/18 des conférences de l’Académie d’éducation et d’études sociales, qu’il préside. Thème d’année: “La place de Dieu dans la cité”. AES – Académie d’éducation et d’études sociales – Michel Lelart: Neuvième édition (2017) de son ouvrage sur le système monétaire international: Le système monétaire international   À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les accords de Bretton Woods ont défini les règles qui organisaient les … – François Facchini: La liste de ses dernières publications francoisfacchini et son cours sur “L’école de la liberté “(cours gratuit en ligne; il suffit de s’inscrire): Pourquoi l’Etat croît-il ? | Ecole de la liberté   Ce cours fait le point sur la littérature consacrée 1- à l’histoire de l’État et du secteur public en France, 2-… – Loïc Floury: Son cours sur l’école de la liberté (Cours gratuit en ligne; il suffit de s’inscrire) L’analyse économique du Droit | Ecole de la liberté Quel(s) lien(s) existent-t-ils entre le droit et l’économie ? La question a de quoi surprendre en France où, non … Voici donc toutes les informations dont j’ai pu disposer pour cette dernière newsletter de l’année 2017. Dans la perspective de l’Avent, et en espérant vous retrouver nombreux les 15 et 16 décembre. Très cordialement Jean-Yves Naudet, Président de l’AEC Professeur émérite Aix-Marseille Université Newsletter envoyée le Dimanche 3 Décembre 2017

Newsletter AEC du 5 février 2018

Chers amis de l’AEC Vous trouverez ci-dessous un certain nombre d’informations concernant notre association. Je vous en souhaite une bonne lecture. (Précaution habituelle, comme la lettre est longue, il est possible qu’elle soit coupée lors de la réception; si c’est le cas, il vous suffit de cliquer en bas du mail sur l’indication de cette coupure pour voir la suite). PS: Certains m’ont fait remarquer, à juste titre, que mon envoi précédent comportait diverses coquilles et fautes de frappe; c’est exact, je vous prie de bien vouloir m’en excuser, car il en sera sans doute de même pour celui-ci; n’y voyez pas de la négligence de ma part, mais seulement les effets mécaniques d’une DMLA, qui ne s’arrange pas avec l’âge et qui rend toute relecture incertaine! Raison de plus pour que je passe le flambeau. I. VIE DE L’AEC 1. Suites du colloque du 16 décembre Dans ma lettre de début janvier, je vous ai donné quelques informations sur le colloque de l’Académie catholique de France, co-organisé avec l’AEC. Depuis, je me suis occupé de la publication des actes. Grâce à la rapidité de tous les intervenants, ils sont déjà mis en forme et corrigés, et l’ouvrage, qui comporte les 20 interventions du colloque, a été déposé chez l’éditeur (Parole et Silence) et la sortie est annoncée pour le 22 février. Le prix de vente au public sera de 18 euros. L’AEC est évidement mentionnée, sur la couverture avec notre logo, dans la préface, et, bien entendu, dans les fonctions des 5 intervenants membres de notre association. Le titre de l’ouvrage est “La doctrine sociale de l’Église face aux mutations de la société”. Le second ouvrage, celui des propositions adressées au dicastère du cardinal Turkson, et, au-delà, à l’Église universelle, en matière de doctrine sociale, est, lui, propre à l’académie, même s’il est la suite logique du colloque. Il n’engage donc pas l’AEC en tant que telle; il prend la forme d’une déclaration de l’académie. C’est moi qui ai rédigé ce court ouvrage, qui fait désormais l’objet de navettes; il a été validé par le président, il est soumis actuellement aux membres du bureau et j’irai le présenter au conseil scientifique de l’académie le 15 mars, en vue de son adoption, puis en mai au corps académique, en vue d’une publication -et d’un envoi à Rome et à l’épiscopat- cet été. 2. Cotisations 2018 Mon appel à cotisations dans la newsletter du 8 janvier est sans doute venu un peu tôt en tout début d’année…Merci quand même aux 7 adhérents qui ont renouvelé immédiatement leur cotisation. Pour les autres, c’est le moment. Les conditions sont inchangées. Tarif libre, à partir de 15 euros minimum. Reçu fiscal à partir de 40 euros. Chèques à l’ordre de l’AEC. A envoyer à AEC c/o JY Naudet, 22 avenue des Floralies 13770 Venelles. Merci à tous. 3. Assemblée générale 2018 Comme je l’ai indiqué plusieurs fois, mon souhait initial était de jumeler l’AG 2018 et le colloque 2018, pour ne pas multiplier les déplacements; cela ne sera pas possible cette fois, pour diverses raisons, liées à l’agenda des uns et des autres, aux problèmes de salle pour le colloque et à un calendrier très contraignant, car il faut éviter les dates des fêtes religieuses, des vacances, notamment de la zone de Paris, et des ponts du mois de mai. Pour notre AG, la seule date réellement acceptable, compte-tenu de ces contraintes, est le samedi 7 avril. Profitons de cette situation, qui nous permettra d’avoir une réunion plus longue, pour bien préparer la transition, puisque ce sera l’occasion d’élire le CA, puis le bureau, dont un nouveau Président. Nous pourrions ainsi avoir une réunion de 10h à 16h, horaires permettant aux provinciaux un aller-retour dans la journée. L’AG au sens strict pourrait se tenir le matin de 10h à 12h, y compris l’élection du CA, puis du bureau; nous pourrions prendre le déjeuner en commun, et l’après-midi de 14h à 16h nous pourrions discuter, tous ensemble, autour de la nouvelle équipe. des projets et de la stratégie, des colloques à venir, d’autres formes d’interventions/conférences, par exemple dans des paroisses, etc. Et nous prendrons un moment pour que je transmette au nouveau président, au trésorier et aux responsables élus, les documents, comptes, fichier des adhérents, etc. Au fond, le décalage dans le temps entre AG et colloque, compte tenu de la mise en place d’une équipe renouvelée, nous donne l’opportunité de faire les choses de manière sérieuse et approfondie. Merci donc de bloquer la date; vous recevrez le moment venu la convocation officielle, avec le lieu -non encore déterminé, mais à Paris bien sûr- et l’appel à candidatures. En effet, chacun doit décider, pour les sortants du CA, s’ils veulent se représenter, et pour les autres s’ils veulent candidater, sachant que le CA peut comporter entre 5 et 15 membres (15 est le chiffre actuel). Mais chacun doit être conscient que le rôle du CA sera d’aider la nouvelle équipe, chacun s’engageant, autant que possible, à prendre une part du travail. Certains m’ont déjà indiqué leurs intentions, je les en remercie, et ils sont prêts à participer à la nouvelle équipe. Que les autres m’indiquent dès que possible leurs intentions, afin de bien préparer cette AG. Comme vous le savez, j’ai décidé, pour diverses raisons personnelles, de ne pas me représenter, mais, bien entendu, je continuerai à militer au sein de l’AEC, comme un simple adhérent, sans responsabilités spécifiques. Pour que tout soit transparent, je dois vous dire que Pierre de Lauzun m’a indiqué qu’il était prêt à se porter candidat à la présidence de l’AEC. Je m’en réjouis, car cela permettrait une alternance entre universitaires et non-universitaires, et aussi en raison des qualités personnelles et intellectuelles de Pierre de Lauzun, dont tout le monde connait les nombreuses publications de qualité et la solidité de ses convictions. Je dois aussi à la transparence de dire que les réactions à cette candidature que j’ai pu recueillir sont très positives.Bien entendu, il aura une élection conforme … Lire la suite

L’État peut-il respecter le principe personnaliste ?

Ajoutez votre titre ici Les propos qui suivent, extraits du discours du président Macron, le 9 avril 2018, aux Bernardins, devant les évêques de France, posent clairement la question des rapports entre l’Église catholique et l’État : “…si nous l’avons fait, c’est sans doute que nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l’État s’est abîmé, et qu’il nous importe à vous comme à moi de le réparer (…) Il est de la nature de l’Église d’interroger constamment son rapport au politique, dans cette hésitation parfaitement décrite par Marrou dans sa Théologie de l’histoire, et l’histoire de France a vu se succéder des moments où l’Église s’installait au cœur de la cité, et des moments où elle campait hors-les-murs.” Membre de l’Association des Économistes Catholiques, j’ai jugé intéressant d’analyser la compatibilité de l’État avec la DSÉ (Doctrine Sociale de l’Église), sur laquelle s’appuie notre association.Le présent article présente des arguments soutenant l’idée que l’État puisse respecter la premier principe de la DSÉ, son principe de base : le principe personnaliste. Puis il énonce d’autres arguments, allant à l’encontre des premiers.Le principe personnaliste fait l’objet du chapitre 3 du Compendium de la DSÉ (“La personne humaine et ses droits”, articles 105 à 159). Il affirme que toute personne humaine, parce qu’elle a été créée par Dieu à son image, dispose d’une incomparable, intangible et inaliénable dignité. Celle-ci nécessite que les droits de l’homme (de tout homme) soient identifiés, proclamés et respectés en tout lieu et toute circonstance. Ma conclusion n’est pas une conclusion de Normand. Elle prend parti sans ambiguïté. Je ne suis bien sûr pas à l’abri d’une erreur de raisonnement, que tout lecteur attentif voudrait bien, alors, me signaler.D’autres articles sont en chantier, qui seront consacrés à la compatibilité de l’État avec les autres principes de la DSÉ.   La phrase qui me semble le mieux expliciter et résumer le principe personnaliste se trouve au paragraphe 135 du Compendium : “La dignité de l’homme exige donc de lui qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle, et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure” (Concile Œcuménique Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, 17: AAS 58 (1966) 1037; Catéchisme de l’Église Catholique, 1730-1732). Elle fait apparaître que la dignité humaine n’est pas respectée lorsque une personne est entravée par des chaînes, intérieures (les “poussées instinctives” auxquelles elle n’arrive pas à résister) ou non (les “contraintes extérieures” précitées). Ces contraintes extérieures peuvent s’exercer sous forme de force physique (armée, police, etc.) ou psychologique : tout ce qui relève de la manipulation. Celle-ci vise à endormir ou tromper la conscience de ses victimes. Elle utilise tout une batterie de techniques : injonction, mensonge, culpabilisation, sophismes, disqualification, menaces, chantage, etc. En première analyse, il semble que le rôle prioritaire de l’État soit, en exerçant ses fonctions dites “régaliennes” (défense, police, justice), de protéger les droits fondamentaux des citoyens (sécurité, propriété, liberté), en conformité avec le principe personnaliste.Lorsque l’État assure des fonctions non régaliennes, il est possible d’estimer que son action va dans le bon sens. Par exemple lorsqu’il gère la Sécurité Sociale, lorsqu’il organise et gère l’Éducation Nationale, ou les transports publics, ou le traitement du courrier postal. Ceci suffit-il à affirmer que, lorsque l’État exerce ses fonctions (régaliennes ou non), il respecte le principe personnaliste ? L’État n’utilise-t-il pas, alors, l’une ou l’autre des deux formes précitées de contrainte extérieure à l’égard des citoyens (force armée, manipulation) ?L’État n’est-il pas cette institution qui dispose, sur son territoire, du monopole de la violence légitime ? N’est-ce pas par la contrainte qu’il prélève les impôts, taxes, droits et autres contributions obligatoires qui lui permettent de se financer ?N’est-ce pas avec l’appui des forces de l’ordre, au besoin, qu’il impose le respect des lois et règlements qu’il édicte ?N’est-ce pas en instituant des monopoles (le sien, celui de la Sécurité Sociale, celui de la SNCF et de la RATP, celui de la Poste, etc.) qu’il interdit aux citoyens de choisir librement certains prestataires ou de proposer un meilleur service que celui desdits monopoles ?N’est-ce pas en ayant mis la main sur “l’Éducation Nationale” qu’il s’est donné les moyens d’endoctriner la jeunesse (et le corps enseignant), pour mieux les manipuler ?N’est-ce pas par le biais des médias “publics” qu’il poursuit le lavage de cerveaux et la manipulation commencés à l’école publique ?   Est-il possible de citer un seul service rendu par l’État sans que celui-ci exerce la moindre contrainte extérieure ? ll me semble que non ! Il n’est pas surprenant d’entendre le Christ nous dire (Mc 10, 32-45) : “Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude.” Il semble donc que l’État ne soit pas en mesure de respecter le principe personnaliste, du fait que sa caractéristique première est son pouvoir de contrainte à l’égard des citoyens, quelles que soient les justifications données au dit pouvoir. Dans un prochain article, nous verrons si l’État est compatible avec le deuxième principe de la DSÉ, le principe du bien commun.

Le chrétien, l’argent et la finance

Interview parue dans la Revue Carmel N° 172 septembre 2019 Revue Carmel N° 172 septembre 2019. pp. 73 sqq. En théologie, le terme « économie » est utilisé pour parler du dessein de salut, des œuvres de Dieu ad extra. Au sens commun, il désigne, généralement, la gestion de l’argent. Comment articuler ces deux sens ?  Vous pouvez commencer par l’étymologie d’économie qui signifie : « loi de la maison ». L’économie, c’était ce qui réglait la manière dont fonctionnait la famille. Dans la notion de famille, vous retrouvez à la fois la notion matérielle qui a donné le sens moderne d’économie et la notion de « comment je régule une communauté pour la faire parvenir à sa perfection ». Cependant la différence radicale, c’est que dans la famille, le traitement des biens matériels est fondé sur la gratuité. À partir du moment où l’on entre dans ce qu’on appelle aujourd’hui économie, on sort de la gratuité et on entre dans un domaine d’échanges et de calculs. Et la question devient : « comment cette économie, au sens moderne, peut-elle s’inscrire dans un plan providentiel ? » Ce qui pose d’autres questions. Déjà, « comment se fait-il que c’est dans le monde culturellement chrétien que s’est faite la découverte de ce que nous appelons l’économie ? » Je pense que les qualités et la vision du monde que le christianisme, éventuellement sécularisé, apporte, donne une réponse. C’est-à-dire l’idée qu’il y a une histoire, l’idée que demain peut être meilleur qu’hier, l’idée que le travail, y compris manuel, est en soi une bonne chose, l’idée que la rationalité n’est pas incompatible avec la foi. Toutes ces idées-là ont doté les pays occidentaux de ce qui a permis le décollage de l’économie. Étant entendu qu’il s’est fait en étant accompagné par la sécularisation, c’est-à-dire, la perte progressive du lien avec cette matrice originelle. Donc d’un point de vue providentiel, il se passe quelque chose de tout à fait étrange, c’est-à-dire, un don de Dieu, prodigieux, mais qui s’est accompagné d’un recul progressif du lien et de la gratitude envers Dieu. Ce que j’illustre par le fameux cantique de Moïse dans le Deutéronome où Dieu se plaint de son peuple. Nous avons reçu des dons tout à fait prodigieux, que nous développons comme les israélites qui travaillaient leur terre à l’époque, mais avec plus de lien et de gratitude envers Dieu que nous… même lorsqu’ils se tournaient vers les autres dieux. Nous jouons un jeu dangereux. Nous croyons pouvoir nous attribuer nos succès économiques et nous croyons pouvoir les réguler tout seuls. Or il est manifeste que l’économie a besoin d’une base éthique pour fonctionner. Si celle-ci se corrode, c’est dangereux d’une façon générale, mais c’est dangereux pour l’économie elle-même. Une économie où la confiance mutuelle se réduit fonctionne moins bien, par définition. Une économie qui a des crises est une économie qui, à un moment donné, dissout le lien social et finit par se détruire l’économie. Nous vivons dangereusement comme les Israélites, dans la Bible, vivaient dangereusement en allant sur les montagnes adorer on ne sait qui. Quelles seraient les pistes pour que le monde économique sécularisé retrouve la source chrétienne qui l’a rendu possible ?  La réponse est la réponse biblique, c’est-à-dire : « revenez à moi ». C’est la réponse la plus naturelle. Elle doit s’accompagner aussi d’une évangélisation par intervention dans le domaine économique et financier. Ce n’est pas à un hasard si la période que nous vivons est celle du développement de la Doctrine sociale de l’Église, depuis 1891. Elle n’est pas radicalement nouvelle dans l’histoire de l’Eglise mais elle est nouvelle dans cette expression particulière, en s’appelant ainsi et en se présentant comme une doctrine spécifique dont le statut est intermédiaire. Jean-Paul II l’a présentée comme une branche de la théologie morale, ce qui veut dire qu’elle est porteuse d’un message évangélique. Simultanément elle traite de sujets largement mondains en faisant implicitement ou explicitement référence à la loi naturelle. D’ailleurs le message est présenté comme ne s’adressant pas spécifiquement aux catholiques, mais à tous les hommes de bonne volonté. La Doctrine sociale, donc, clairement est à cheval sur les deux registres. À la fois, elle dit des choses qui peuvent conduire les gens qui les entendent au Christ, et des choses qu’ils peuvent comprendre sans avoir la foi. Avec un élément de base qui est l’importance de l’éthique et de la morale. Ce qu’elle dit, c’est qu’on ne peut pas penser l’économie sans la morale. Ce qui est le contraire de ce que disent les manuels d’économie qui disent plutôt : « vous avez vos préférences, je m’en fiche. Mon travail comme économiste, c’est de voir ce que signifie le jeu de ces préférences dans l’activité économique de production et d’échanges. Je considère ces préférences comme des données. » Or dans l’activité humaine, il n’y a pas cette séparation. Les préférences comportent un jugement de valeur, de bien ou de mal. Dans le comportement du producteur, dans la vie collective d’une entreprise, il y a une dimension éthique. Quand la réflexion économique a commencé à naître, c’est-à-dire au Moyen-âge, les scolastiques l’inséraient dans la morale. Dans la Somme de théologie de saint Thomas, il en est question dans l’étude des vertus morales, et cela a continué ainsi jusqu’au XVIIIe siècle. Adam Smith, considéré comme le fondateur de l’économie politique moderne, est intermédiaire. Il a encore un souci moral, mais il donne des instruments intellectuels qui conduisent à son dépassement. Dans son fameux apologue, le boulanger fait du bon pain non pour faire du bien mais pour faire de l’argent. Il peut être amoral mais en même temps rendre service. Mais dans l’idée de Smith, il y a encore l’idée d’une Providence qui tire un bien d’un mal. Après lui, on en est venu à se dire : « méthodologiquement, je me fiche des considérations morales ou éthiques du boulanger, je regarde pourquoi il fabrique et comment il vend. » Puisque Dieu tire un bien d’un mal, comme le dit Saint Augustin, n’en est-on pas venu, en évacuant Dieu du champ de l’économie, à légitimer le mal par le bien qui pourrait en … Lire la suite

L’Église catholique et l’intelligence artificielle

L’Eglise catholique élabore actuellement sa position sur les questions éthiques soulevées par ce qu’il est convenu d’appeler ” ‘intelligence artificielle” (IA). En effet, l’avènement de cette technique met directement en cause les fonctions les plus élevées de la nature humaine, qui sont le discernement, la responsabilité et l’intuition. Or, intelligence, volonté, mémoire, imagination, émotions (passions), bref ce qu’on appelle les puissances supérieures et inférieures de l’âme, sont directement ordonnées au modèle qu’on se donne de l’être humain, autrement dit à l’anthropologie. Et les conséquences qu’on en tire quant à l’IA peuvent être radicalement différentes selon le modèle. C’est exactement la même chose dans le débat très actuel sur la différence entre l’homme et l’animal. Par ailleurs, l’IA comme n’importe quelle autre innovation technique, est mise au service de finalités diverses dont certaines sont éminemment dangereuses: volonté de puissance, accumulation de richesses, réduction de la personne à un individu sans dignité etc. et d’autres éminemment bienfaisantes (dans le domaine de la santé en particulier). Entre les deux, les applications à l’économie et à l’entreprise… La lecture du livre “L’intelligence artificielle, nouvelle barbarie” ( Editions du Rocher 2019) m’a conduit à publier un article sur le site de l’ AFCIA (Association française contre l’intelligence artificielle) pour préciser ce que je connais de la réflexion de l’Eglise catholique sur ces enjeux. AFCIA: http://afcia-association.fr/manifeste/ « L’Eglise n’est pas muette… » 1 décembre 2019 / afcia / Ingénieur, catholique, consultant en éthique des affaires et travaillant sur l’éthique numérique dans le cadre du think tank Espérance & Algorithmes créé par Etienne de Roquigny, Laurent Barthélémy a souhaité nous faire part de ses commentaires sur le livre de Marie David et Cédric Sauviat « Intelligence artificielle, la nouvelle barbarie » (Editions du Rocher, 2019) Interpellé par le passage sur la vision de l’IA et des mégadonnées par l’Eglise catholique (pp.283 et suivantes), j’ai fourni aux auteurs quelques commentaires et éléments d’information complémentaires, que je développe ici. Pour ce qui est de la contribution du catholicisme, ce qu’on appelle Doctrine sociale de l’Eglise, je trouve leurs propos à la fois encourageants (pour le catholicisme) et un peu sévères. 1.1 Encourageants parce que le catholicisme romain est la seule religion convoquée comme témoin à la barre du procès de l’IA (sauf très rapidement le shintoïsme à propos des tamaguchi). C’est flatteur, soit parce que les auteurs en attendent beaucoup, soit parce que les autres religions n’ont pas grand’chose à dire sur ce sujet (je suis peut-être un peu injuste pour le judaïsme, mais on attend tout de même autre chose que des articles brillants mais dispersés). Plus sérieusement, Rome a en effet pris l’habitude depuis le XVIIIème siècle de prendre position sur les aspects religieux et moraux des problèmes du temps, mêmes temporels et profanes. Dès 1745 Benoît XIV résume, dans l’encyclique sur les contrats et l’usure Vix pervenit, la doctrine thomiste qui privilégie l’association en société (affectio societatis) au prêt d’argent impersonnel et de surcroît usuraire. C’est le coup d’envoi de la doctrine sociale de l’Eglise, qui est plus facile à manier par le commun des mortels que la doctrine thomiste, même si cette dernière a traité du sujet (et n’a sans doute pas dit son dernier mot, y compris sur la pensée humaine et la pensée artificielle). Tout le monde connaît ensuite : Rerum Novarum de Léon XIII sur la condition ouvrière et les garde-fous à mettre au capitalisme (le socialisme était récusé sans appel. Léon XIII est le seul avec Marx à avoir apporté une pensée structurée sur la question ouvrière, n’en déplaise aux disciples de Proudhon et Sorel) ; Quadragesimo Anno de Pie XI en 1931 sur le capitalisme financier et la crise de 1929 ; Mater & Magistra de Jean XXIII, Octogesimo Anno de Paul VI sur la mondialisation (déjà) ; Centesimo Anno/Laborem Exercens/ Sollicitudo Rei Socialis de Jean-Paul II qui revient sur le capitalisme et ses excès possibles après la chute du socialisme ; Caritas in Veritate de Benoît XVI, qui aborde les dérives financières du capitalisme (crise de 2008) et commence un peu à s’occuper d’environnement et de développement durable; Evangelii Gaudium et surtout Laudato Si de François sur l’écologie… Bref, selon l’heureuse formule de Benoît XVI, « La doctrine sociale de l’Église éclaire d’une lumière qui ne change pas les problèmes toujours nouveaux qui surgissent » (Caritas in Veritate, n° 12). Il est donc normal d’attendre de Rome quelque chose qui se tienne sur l’IA, ou même plus largement la numérisation de la société et même la numérisation de l’économie. Je crains toutefois qu’il ne soit audacieux d’écrire, comme le fait le livre, que Laudato Si condamne sans appel l’IA « en tant que projet et en tant que système ». François condamne à l’emporte-pièce et sans nuance les dérives financières et hyperlibérales, mais pas le capitalisme en tant que tel. Cela s’applique à mon avis de la même façon à l’usage malveillant de l’IA ou simplement à des fins d’accumulation frénétique de capital (ce qu’Aristote appelait la chrématistique pour la distinguer de l’économie, qui, elle, est au service de l’homme). 1.2 Un peu sévères parce que, contrairement à ce qui est écrit, l’Eglise catholique n’est pas muette à ce stade sur la question de l’IA, et, pour avoir étudié d’assez près la littérature ouverte sur l’éthique de l’IA (y compris le rapport Villani, celui bien meilleur de la CNIL et pas mal d’autres), je pense qu’elle n’a pas à rougir des quelques pages qu’elle a pu commettre sur le sujet, comparativement au courant humaniste, à la franc-maçonnerie qui cogite beaucoup sur le sujet, au protestantisme, au judaïsme, aux universités islamiques qui depuis quelques années travaillent dur pour élaborer une doctrine sociale (par exemple Mushin Mahdi publié en français par l’Institut du monde arabe ; ou dans la sphère anglophone Heydar Shadi, ou https://www.islamicity.org/values ou https://www.al-islam.org)  dans une optique radicalement différente puisque l’Islam est par nature englobant et théocratique et ignore la laïcité, du moins dans l’Oumma). Voici plusieurs exemples illustrant une véritable préoccupation de l’Eglise pour l’IA: En décembre 2016, s’est tenue au Vatican une conférence … Lire la suite

Catégories Non classé

Règle de saint Benoît et gouvernance d’entreprise

Sœur Loyse Morard osb a publié depuis 2017 « Regard sur la Règle de saint Benoît », une série de livrets thématiques sur la Règle de saint Benoît[1] à l’usage de la vie quotidienne. Nous en avons lu quelques-uns avec des lunettes entrepreneuriales. C’est l’occasion de partager ces notes de lecture et de refaire un survol des nombreuses transpositions de préceptes bénédictins voire de la Règle dans son ensemble, à la gouvernance et au management d’entreprise. Dans un précédent article AEC, « Entreprises inspirées, sources chrétiennes et orientales», nous avions déjà proposé une recension relativement complète d’ouvrages ou initiatives issues de la spiritualité bénédictine, ignatienne et bernardine appliquées ou applicables (moyennant quelques précautions…) à la vie de l’entreprise. Ayant passé 33 années en entreprises et ensuite 3 années à l’abbaye Saint-Wandrille (76) comme adjoint au cellérier, l’auteur du présent article a l’audace de penser qu’il ne contient pas trop de contre-vérités, ni sur l’entreprise ni sur la Règle. Les trois années en question ont été principalement consacrées à coopérer à une transposition de la Règle de saint Benoît à la gouvernance et au management d’entreprise, qui a débouché sur les « Douze Règles de Vie de l’Entreprise ». Ainsi qu’à la mise au point d’un référentiel d’évaluation (due diligence) utilisable dans le cadre d’une approche RSE (responsabilité sociétale d’entreprise) ou ISR (investissement socialement responsable). [1] Saint Léger Editions (Chemins de saint Benoît, La Pierre qui Vire http://saintlegerproductions.fr/Regard-sur-la-regle-de-saint-Benoit.html) 1/ Regard sur la Règle de saint Benoît, de sœur Loyse Morard osb Sœur Morard est moniale bénédictine du monastère d’Ermeton-sur-Biert en Belgique. Elle a été prieure de sa communauté pendant vingt-huit années. Ayant commenté la Règle de saint Benoît (RB dans la suite) non seulement pour ses sœurs mais aussi pour des laïcs, elle a rédigé cette série de synthèses thématiques en vue de leur application possible dans la vie quotidienne. Les dix thématiques, abordées par autant de livrets d’une centaine de pages de petit format, sont les suivantes : L’art de gouverner Vivre en frères Obéir, une sagesse ? Silence et ascèse De la crainte à l’amour : l’humilité La prière Le travail Les défis du quotidien Accueillir, s’ouvrir au monde Aimer la vie. Parmi ceux-ci, nous avons lu seulement ceux indiqués en italiques, en ayant en tête les applications possibles à la gouvernance et au management d’entreprise. Ce qui ne veut pas dire que les autres n’ont pas d’utilité dans la vie en entreprise, le contraire est même évident. Par exemple, tous les experts en management et en leadership savent que l’humilité (devant les faits, et devant sa place dans l’entreprise ou plus généralement dans la Création) et la qualité première de celui qui dirige. Jim Collins (Management Research Laboratory, Boulder, Colorado), gourou reconnu (parmi d’autres) du leadership à la sauce américaine, auteur d’un classement annuel des dirigeants, affirme dans la très sérieuse Harvard Business Review que le plus haut niveau du leadership est l’alliance de l’humilité avec une « résolution sans faille » : https://hbr.org/2001/01/level-5-leadership-the-triumph-of-humility-and-fierce-resolve-2 . Lors de l’élection de Mgr Jorge Bergoglio connu maintenant sous le nom de François, Jeffrey A. Kames s’empressa d’ailleurs de publier « Lead with humility- 12 leadership lessons from Pope Francis »[1]. Voici donc quelques notes ou citations recueillies à l’occasion de ces lectures. Il est plus que probable que, si sœur Loyse Morard osb était priée de résumer ses « regards sur la Règle de saint Benoît » à l’usage des entreprises et de ceux qui les peuplent, elle aboutirait à un résultat significativement différent de ce qui va suivre. Il ne faut donc voir dans ce qui suit qu’une interprétation personnelle. 1.1 Généralités Sœur Morard insiste régulièrement sur les adoucissements apportés par saint Benoît à la « Règle du Maître »[2], non par angélisme mais au contraire par réalisme sur les faiblesses de la nature humaine déchue. Elle revient fréquemment dans les différents opuscules, sur ce qu’elle considère comme les trois piliers de la vie monastique : obéissance (ch. 5 de la RB), retenue dans les paroles (ch. 6) et humilité (ch.7). Après le «premier directoire» (chapitres 1 à 7), saint Benoît introduit de longs développements dans son « second directoire » (chapitres 64 à 72) : thèmes du gouvernement (institution de l’abbé, le prieur du monastère), du silence (portier du monastère, frères en voyage) et obéissance (choses impossibles, ne pas défendre les autres, ne pas frapper à tout propos, s’obéir mutuellement) et enfin, le « bon zèle ». Dans chaque chapitre ou sur chaque sujet d’importance, Saint Benoît a coutume de commencer par poser un principe spirituel absolu, et de le compléter ou nuancer ensuite par des indications pratiques. Pour lui, les règles générales ne passent pas avant le souci des personnes. La Règle est écrite non pour des Parfaits mais pour des débutants qui acceptent de l’être (cf. chapitre 73, verset 8). La vie monastique n’est pas réservée aux forts ; les faibles y ont une place. 1.2   L’art de gouverner : « Servir plutôt que commander » L’art de commander est d’abord un art d’aimer. L’obéissance du moine est proportionnelle à la charité de l’abbé. Elle en dépend. L’abbé est responsable non seulement de la manière dont il enseigne le « précepte du Seigneur » mais aussi… de l’obéissance de ses disciples qui répond à sa charité pratique (v6). Le rôle de l’abbé est de relancer, autant qu’il peut, ce mouvement de la vraie vie dans le corps de la communauté. Le danger est pointé de « la paille et la poutre » dans la vie communautaire (v14-15) La vie monastique n’est pas réservée aux forts ; les faibles y ont une place.          Discretio et moderatio (discernement et prudence) sont deux attitudes-clés de l’art de gouverner. Le Prieur (« n° 2 » de la communauté, chargé notamment de la discipline) apparaît comme «mal nécessaire». On sent que saint Benoît a introduit son rôle à contrecoeur et a souffert d’expériences malheureuses. On sent également – le contraire serait incongru – que c’est la nécessité de la fonction qui lui pose problème, et non les qualités ou défauts de la personne qui l’occupe. … Lire la suite