“Retraites : Encore un effort, Monsieur Delevoye !”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot publié le 24/07/2019 sur ÉconomieMatin La publication des Préconisations pour un système universel de retraites, le 18 juillet 2019, sous la responsabilité de Jean-Paul Delevoye, précise le projet de réforme annoncé par Emmanuel Macron dès sa candidature à la présidence de la République. Ce projet peut certes encore évoluer à la marge, mais les grandes orientations sont désormais fixées. 1/ Jean-Paul Delevoye a raison quand il constate que « personne ne peut garantir l’avenir de sa profession », si bien que les régimes de pension par répartition destinés à des professions spécifiques constituent une erreur à corriger. En revanche, les professions peuvent sans problème se doter de régimes spécifiques par capitalisation ; c’est même hautement recommandable. Pour la répartition, un régime universel est nécessaire ; mais comment doit-il fonctionner ? 2/ Jean-Paul Delevoye préconise d’attribuer les droits à pension sous forme de points, comme cela se pratique à l’ARRCO-AGIRC et dans divers autres régimes. Là encore, il a raison : le point est un instrument qui permet de gérer simplement et facilement le système de retraites, en faisant évoluer la valeur de service du point de manière à préserver l’équilibre financier à court terme, et son prix d’acquisition pour prévenir les problèmes à long terme. 3/ Jean-Paul Delevoye a compris que « dans un régime par répartition, les pensions versées aux retraités sont financées par les cotisations payées par les actifs au même moment ». Dont acte. Mais il n’a pas tiré de ce constat la conséquence qui s’impose : pour que des pensions correctes soient versées dans vingt, trente, cinquante ans, il est indispensable qu’aujourd’hui naissent en nombre suffisant et soient convenablement éduqués celles et ceux qui cotiseront alors. Autrement dit, il n’a pas compris le message pourtant limpide qu’Alfred Sauvy délivrait dans les années 1970 : « nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants ». 4/ Il s’accroche de ce fait à une vielle lune : « à carrière identique, des droits identiques ». Il n’a pas compris que nous vivons dans une économie où l’investissement dans ce que les économistes appellent « le capital humain » est le facteur déterminant des pensions futures. Les pensions sont en quelque sorte le dividende versé par celles et ceux qui ont antérieurement bénéficié d’un investissement dans leur capital humain. Un beau parcours professionnel ne constitue pas une raison valable pour bénéficier d’une forte pension : en répartition, la pension ne doit pas être le prolongement automatique du salaire, mais le dividende tiré d’un investissement dans les nouvelles générations. Autrement dit, les points doivent être attribués en fonction de ce que chacun fait pour que la jeunesse soit suffisamment nombreuse et bien préparée à prendre le relais. 5/ En particulier, Jean-Paul Delevoye n’a pas compris le rôle que jouent dans le système de pensions les mères et les pères de famille. Il en est resté à l’idée absurde selon laquelle attribuer des points en fonction des enfants que l’on élève est une mesure de « solidarité », c’est-à-dire d’aide à ces « pauvres ballots » qui n’ont pas compris que la stratégie individuellement gagnante sur le plan pécuniaire est DINK, Double Income No Kid (deux salaires, pas d’enfant), comme le dit l’économiste Michel Godet. Un haut-commissaire qui prend pour une sorte d’aumône le juste retour sur l’investissement réalisé dans la jeunesse ne peut évidemment pas proposer une réforme adéquate des retraites, c’est-à-dire un fonctionnement équitable de l’échange entre générations successives. Ce fonctionnement équitable peut se schématiser ainsi : durant un temps, actuellement une bonne vingtaine d’années en moyenne, les membres de la jeune génération bénéficient d’un apport en provenance de leurs aînés, puis ensuite ils versent à ceux-ci le dividende de leur investissement, sous forme de cotisations vieillesse destinées à être transformées en pensions et en prise en charge de soins médicaux et de nursing. 6/ La formule phare du rapport du Haut-commissaire est : « Le système universel repose sur une logique d’équité : à carrière identique, des droits identiques ». Cette formule illustre l’ignorance du fonctionnement économique des retraites par répartition. Le maintien d’un niveau de revenu au terme d’une vie professionnelle bien remplie n’est pas un droit en soi, mais le résultat d’un investissement suffisant dans la génération suivante. Le Haut-commissaire a raison de dire « c’est la confiance dans le pacte entre les générations, au fondement de notre système en répartition, qu’il faut rétablir ». Mais ce pacte n’a rien à voir avec le principe actuel d’attribution des droits à pension, à savoir : « puisque nous avons cotisé pour nos anciens, vous, les jeunes, devez cotiser pour nous ». Le seul pacte économiquement rationnel est : « puisque nous vous avons mis au monde, entretenus, formés, rendus capables de produire efficacement biens et services, vous devez cotiser pour nous ». 7/ L’absence de réflexion économique cohérente conduit le Haut-commissaire à vouloir continuer à traiter la maternité de manière humiliante et injuste. Il est en effet prévu (p. 20) « les périodes de congé de maternité donneront lieu à acquisition de points au 1er jour d’arrêt sur la base du revenu de l’année précédente ». Autrement dit, donner naissance à un enfant rapportera beaucoup plus de points à une femme cadre supérieur qu’à une ouvrière ou une employée, à une travailleuse à plein temps qu’à une travailleuse à temps partiel, alors que le service rendu au système de retraites par répartition est le même. Quant à la femme au foyer, rien n’est prévu pour elle ; son enfant n’aura-t-il aucune utilité pour le pays ? Le mépris pour le principe républicain d’égalité se combine avec le mépris pour la femme au foyer ! 8/ Le taux de cotisation applicable dans le régime unique a d’ores et déjà été fixé pour les salariés : 28,12 %. Quelle précision pour des « préconisations » encore adaptables ! Il est aussi prévu que cette cotisation sera patronale à 60 % et salariale à 40 % : il est ainsi préconisé de ne … Lire la suite

“Qui pour gérer nos retraites ?”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot, rédigé le 25/02/2020 La retraite est chose trop sérieuse pour être confiée à l’État ou aux partenaires sociaux ; faisons-la gérer par une institution analogue à la Banque de France. Les récents développements relatifs à la réforme des retraites montrent l’incompétence des deux catégories d’acteurs classiquement mis à contribution pour gérer ou réformer les retraites de notre malheureux pays : En ce qui concerne les hommes politiques, leur méconnaissance du sujet, leur caractère superficiel et brouillon, joins à leur incapacité à trouver parmi eux des personnalités pour prendre en main cette réforme d’une extrême importance, ne permettent pas de leur faire Pour ce qui est des syndicats, en dehors de leur capacité à rendre difficile la vie des citoyens, et particulièrement des travailleurs, aucun talent ne se manifeste. Côté patronat, l’énergie se concentre sur l’endiguement des charges sociales ; les idées novatrices ne fusent guère. Qui donc pourrait prendre en main cette réforme en ayant la capacité de la finaliser et de superviser la gestion du système qui en résultera ? L’idée que je soumets – le recours à la Banque de France (BdF) – est surprenante à première vue, et difficile à faire admettre par les politiciens, mais elle pourrait nous sortir du pétrin où les acteurs des deux catégories précitées nous ont précipité. Nommons France Retraites l’organisme chargé de faire fonctionner, pour la France entière, un système unique de retraites par répartition. Il s’agit de savoir comment France Retraites devrait fonctionner et être dirigée pour que notre pays cesse enfin d’être contraint deux fois par décennie de pratiquer une réformette de son système de retraites en espérant que ses effets lui permettront de tenir encore quelques années. France Retraites doit être une institution indépendante, du même type que la Banque de France avant la création de la BCE La Banque de France (BdF) a déjà fondé un régime de retraites : c’était en 1808, soit 8 années après sa création par le Premier Consul. Devenu Empereur, Napoléon signa le 16 janvier 1808 un décret dont l’article 23 institue une « caisse de réserve » pour les employés de cette banque. Cette caisse existe toujours ; les salariés de la BdF sont les seuls de notre pays à ne pas avoir de retraite par répartition : ils ont conservé une véritable retraite par capitalisation, qui leur suffit largement. Leur caisse verse actuellement des pensions à 15 000 retraités, alors qu’elle n’a plus que 10 000 adhérents ; pour autant elle ne demande rien à personne, car elle dispose de 14 Md€ de réserves, auxquelles semble s’ajouter une « réserve spéciale » atteignant 4,7 Md€. N’ayant pas recours à la répartition, cette institution satisfait à la condition de neutralité pour superviser la réforme des caisses qui la pratiquent. Elle peut analyser sereinement le fonctionnement de la répartition en France, et constater qu’elle constitue une forme abâtardie de capitalisation, fonctionnant grâce au capital humain, mais sans que le droit positif le reconnaisse. Cette situation hors du champ de la réforme est très intéressante stratégiquement pour organiser ladite réforme sans éprouver la gêne inhérente au fait de changer les règles d’un jeu dont on est soi-même acteur : un observateur non impliqué est bien plus à l’aise pour voir objectivement ce qui va et ce qui ne va pas, ce qu’il faut conserver et ce qui doit être changé. Cerise sur le gâteau, à la différence des partenaires sociaux et des hommes politiques la BdF n’a pas développé de tendance à parler de réforme chaque fois qu’il faut effectuer un réglage paramétrique ; il se trouve certainement en son sein des personnes capables de faire la distinction entre une réforme (systémique) et un ajustement (paramétrique). France retraites devra être construite en respectant des principes analogues à ceux qui ont fait de la Banque de France une institution indépendante du pouvoir politique et des organisations syndicales et patronales. Cette indépendance la mettra dans une position radicalement différente de celle qu’occupe aujourd’hui le système français de retraites par répartition, composé d’une mosaïque de régimes soumis au triple pouvoir des politiciens, des syndicats et du patronat, qui tirent à hue et à dia. Quel organisme pourrait, mieux que la BdF, contribuer efficacement à la mise en place d’un tel organisme, créé en quelque sorte « à son image et à sa ressemblance », selon la formule du premier chapitre du livre de la Genèse ? Cet organisme, France Retraites, devra disposer d’un savoir-faire organisationnel du plus haut niveau dans le domaine de la finance le plus délicat et le plus important, celui du capital humain. Il aura mission de veiller à ce que se réalise dans de bonnes conditions un investissement vital pour la bonne marche du pays, l’investissement dans le capital humain, et à ce que les dividendes tirés de cet investissement soient répartis de manière équitable. La BdF remplit une mission analogue : veiller à ce que tout se passe correctement pour le financement des entreprises, des particuliers, et dans une certaine mesure des administrations, par le canal du crédit. Elle est donc très bien placée pour veiller sur la mise en place de l’organisme qui sera chargé de remplir une fonction analogue relativement au financement du capital humain et à la distribution des redevances que constituent les pensions (celles-ci ne sont stricto sensu ni des intérêts, ni des dividendes, ni des remboursements). La BdF devra libérer nos retraites des mythes qui rendraient vaine la création de France retraites L’intervention de la BdF suppose que le législateur renonce à la fable selon laquelle les pensions seraient dues en raison des cotisations de retraite. Seule une institution aussi puissante et respectée peut amener le Parlement à remettre les pendules à l’heure, c’est-à-dire à envoyer au panier l’actuelle législation des retraites par répartition, qui en fait un système de Ponzi, pour la remplacer par des règles juridiques compatibles avec la réalité économique – à savoir que les retraites se préparent en investissant dans le capital humain, et qu’en conséquences les droits … Lire la suite

“Le premier test démographique du Président Macron”, par Jacques Bichot

Article d’Alain Paillard et Jacques Bichot, publié le 4 mai 2018 par Causeur et l’Incorrect et le 5 mai par Économie-Matin La réussite (ou l’échec) d’un président de la République est souvent mesurée à l’aulne de l’évolution d’indicateurs économiques : PIB, chômage, emploi, niveau de vie, investissements réalisés par les entreprises, finances publiques, etc. Des indicateurs plus « sociaux » sont également utilisés : taux de criminalité et de délinquance, taux de pauvreté, indices d’inégalité de revenus, classements internationaux en matière de performances scolaires, et ainsi de suite. Et, bien entendu, des enquêtes d’opinion sont menées en grand nombre sur l’action et la personne du Président. En revanche, il n’entre absolument pas dans les habitudes de recourir à un indicateur démographique. Ceci est regrettable pour au moins deux raisons. Pourquoi la natalité est un indicateur important pour apprécier l’action de nos dirigeants La première est l’importance de la démographie, et particulièrement des naissances : c’est d’elles que dépend au premier chef l’avenir à long terme de notre pays. A la Libération, le général de Gaulle a très justement lancé un avertissement : s’il devait s’avérer, malgré la victoire, que la natalité restait faible, insuffisante pour assurer le renouvellement des générations[i], « la France ne serait plus qu’une grande lumière qui s’éteint ». Et, de fait, si la France a retrouvé une place honorable dans le concert des nations, c’est bien, dans une large mesure, parce que les « trente glorieuses » ont été pour notre pays une période de forte natalité. La seconde raison qui pousse à recourir aux données démographiques, comme aux données économiques et sociales, pour évaluer la performance d’une équipe dirigeante, c’est que la « mise en route » des futurs citoyens est un indicateur important de confiance dans l’avenir, et donc dans les personnes qui gouvernent le pays. Une vision optimiste du gouvernement de la France incite à mettre des enfants au monde car nous avons envie que nos enfants soient heureux, et donc qu’ils grandissent dans un pays ayant des dirigeants qui s’occupent efficacement du bien commun. La relation entre l’opinion que nous avons de nos gouvernants et la natalité est certes complexe, mais il n’est pas absurde de considérer que, dans un pays développé, une bonne natalité signifie plutôt une bonne opinion – et une faible natalité, une opinion médiocre. D’un point de vue objectif, si la vitalité démographique n’est pas retenue comme l’un des critères de réussite de nos gouvernants, alors il n’y a pas davantage de raison de prendre comme critère la production ou l’investissement : non seulement l’homme est plus important que les biens et services, mais il est vrai aussi que, pour ce qui est du futur à long terme de la production, l’investissement dans la jeunesse est le plus décisif de tous les investissements. Les naissances de mars 2018 fournissent un tout premier test démographique de la présidence Macron   La naissance d’un enfant survient en moyenne 9 mois après sa conception. Emmanuel Macron ayant été élu le 7 mai 2017 et étant entré en fonction une semaine plus tard, le nombre des naissances du mois de mars 2018, qui correspondent aux conceptions réalisées en juin 2017, constitue la première information disponible pour apprécier, sinon l’action de nos dirigeants, du moins l’impact que leur accession aux postes de commande a eu sur le moral des couples en âge de procréer. L’INSEE fournissant généralement le nombre des naissances du mois N à la fin du mois N+1, du moins pour la France métropolitaine (les chiffres France entière ne sont disponibles que nettement plus tard), le chiffre du mois de mars vient d’être publié : 56 300 naissances vivantes. Ce test est négatif : l’élection d’Emmanuel Macron n’a provoqué aucun sursaut démographique En effet, l’orientation baissière perdure et s’accentue. Dans un précédent article, nous avions indiqué que cette baisse a débuté en 2010, et s’est accélérée en 2015. Depuis quelques mois, une nouvelle accélération est en cours, qui est particulièrement visible lorsqu’on indique pour chaque mois le nombre moyen de naissances par jour, ce que fait le tableau suivant : Mois Naissances du mois Nombre de jours Naissances par jour Variation Octobre 2017 63 900 31 2 061   Novembre 2017 60 800 30 2 026 –          1,7 % Décembre 2017 60 900 31 1 964 –          3,1 % Janvier 2018 59 800 31 1 929 –          1,8 % Février 2018 52 700 28 1 882 –          2,4 % Mars 2018 56 300 31 1 816 –          3,5 %  Durant les 6 derniers mois, la chute du nombre journalier des naissances est effrayante : en cinq mois (puisqu’octobre 2017 est le mois de référence), ce nombre diminue de 11,9 % ! Mais tout aussi inquiétante est l’accélération de la chute en mars 2018 : 3,5 % en moins, d’un mois sur l’autre, est un pourcentage tellement élevé qu’on pourrait se demander si le chiffre indiqué (à titre provisoire) par l’INSEE n’est pas légèrement entaché d’erreur. En tous cas, dans l’état actuel des statistiques de naissances, on ne saurait dire que les jeunes ménages français ont été rendus plus optimistes par l’élection d’Emmanuel Macron : la désespérance observée à travers la lunette démographique pour les trois dernières années de la Présidence Hollande, et tout particulièrement pour ses quatre derniers mois, chargés en inquiétudes électorales, ne semble nullement avoir été enrayée par l’élection de notre jeune Président. [i] Ce renouvellement requiert, abstraction faite des mouvements migratoires, un indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) au moins égal à 2,07 enfant par femme. Jusqu’en 1974, y compris cette année-là pour laquelle l’ICF fut égal à 2,11, cette condition fut remplie. Depuis-lors, l’ICF français n’a plus jamais atteint 2,07. En 2017, pour la France métropolitaine (la valeur France entière est connue plus tardivement), il a valu 1,85. La croissance de la population est due à deux autres phénomènes : l’allongement de la durée de vie moyenne, et une immigration supérieure à l’émigration. Hélas, la croissance de la longévité n’a pas été gérée intelligemment (l’abaissement de l’âge de la retraite à 60 ans en 1982 a privé la France des bénéfices qu’elle aurait pu en tirer), et la qualification des immigrés n’est pas en … Lire la suite

“La solidarité entre les générations, grande oubliée de la réforme des retraites”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot, vice-président de l’association des économistes catholiques, le 14 décembre 2019. Publié sur Aleteia le 17 décembre2019 Le 11 décembre 2019, le Premier ministre français (Édouard Philippe) a prononcé devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE), un discours de 55 minutes exposant les décisions prises par le gouvernement concernant la réforme des retraites françaises. Un projet de réforme, dont quelques grandes lignes figuraient dans le programme d’Emmanuel Macron, le vainqueur de l’élection présidentielle du 7 mai 2017, avait été élaboré par une petite équipe dénommée Haut-commissariat à la réforme des retraites, ayant à sa tête Jean-Paul Delevoye. Depuis la publication de ces « préconisations », en juillet 2019, les Français attendaient de savoir ce qu’en retiendraient le Gouvernement et le président de la République. La réponse à cette attente est donc arrivée 6 jours après la première grande manifestation de protestation, le 5 décembre 2019, et le déclenchement d’une grève de grande ampleur qui paralyse encore, une semaine plus tard, une partie importante des services publics, depuis les transports jusqu’à l’enseignement. Néanmoins, il ne semble pas que le discours prononcé par É. Philippe le 11 décembre ait particulièrement essayé de rassurer les grévistes, dont le mouvement inflige à une forte proportion de Français une gêne importante. Une réforme est-elle nécessaire ? Le système de retraites français, composé de 42 régimes différents, fonctionnant tous par répartition, n’est évidemment pas rationnel. Il existe par exemple un régime pour les anciens mineurs, alors qu’il n’existe quasiment plus d’actifs travaillant dans ce domaine, si bien que les cotisations reçues ne représentent qu’une fraction infime des pensions versées. Il en va de même ou presque de même pour différents régimes, par exemple celui des exploitants agricoles ou celui des ouvriers de l’État. D’autres, sans être au même point dépourvus de cotisants, n’en ont pas assez pour payer les pensions : c’est le cas des régimes respectifs de la SNCF et de la RATP, dont les personnels fournissent de gros bataillons de grévistes. Force est donc de reconnaître que la formule « régime catégoriel fonctionnant par répartition » n’est pas viable sur le long terme, parce que si certaines catégories de travailleurs augmentent fortement (par exemple les avocats), d’autres (par exemple les exploitants agricoles) diminuent d’une façon qui ne permet pas le maintien de leurs régimes de retraite, si ce n’est grâce à des subventions massives. Que ces subventions proviennent d’autres régimes, via le dispositif appelé « compensation démographique », ou de l’État (donc de l’impôt ou de l’emprunt), la solution est boiteuse. Avoir un seul régime de retraites dites par répartition, ce que l’on appelle un régime « universel »[1], est une nécessité incontestable. Les pouvoirs publics l’avaient plus ou moins compris à la Libération, et bon nombre des hommes politiques de cette époque difficile ont été partisans de l’instauration d’un régime unique. Mais ce projet s’est heurté à trois obstacles : la sottise, l’égoïsme catégoriel et le désir de certains de conserver la maîtrise de ce qu’ils considéraient comme leur « pré carré », en quelque sorte une propriété privée. Nous avons eu là un exemple important d’incompréhension du « bien commun », notion essentielle dans la doctrine sociale de l’Église. Le Gouvernement de l’époque dut reculer, accepter le maintien de régimes catégoriels, en dépit de l’absence de viabilité à long terme d’une telle formule. Le travail de construction d’un bon système de retraites a donc été mal engagé à la Libération, pour deux raisons principalement : l’ignorance et l’égoïsme. Aujourd’hui, notre devoir est de corriger les malfaçons structurelles qui datent de cette époque. C’est une entreprise évidemment plus difficile que ravaler la façade d’un immeuble, réparer une fuite d’eau ou remplacer un carreau cassé ! L’obstination dans l’erreur est une forme de péché. On pourrait, de façon quelque peu moralisatrice, s’appesantir sur l’égoïsme catégoriel. Son rôle n’est certes pas nul, il est à l’œuvre aujourd’hui comme en 1945-1946, mais il me semble que la bêtise joue un rôle encore plus important. Car en refusant obstinément un régime unique, les membres de certaines catégories socioprofessionnelles, principalement la fonction publique et les « régimes spéciaux », fragilisent les secteurs d’activité dont ils tirent leurs ressources. Leurs employeurs, qui ne bénéficient pas d’une pluie de billets de banque, n’ont d’autre solution que d’embaucher du personnel sous statut de droit commun, ce qui aboutira à long terme, après maints conflits et moult difficultés financières, à la disparition pure et simple des statuts spécifiques. Certains combats, soi-disant menés dans l’intérêt des travailleurs, nuisent en réalité, à long ou moyen terme, à leur intérêt. C’est idiot. Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église ne comporte pas de rubrique « intelligence », non plus que « sottise » ou « bêtise ». Mais certains Papes, et notamment Benoît XVI, ont bien mis l’accent sur un point important : ne pas faire les efforts requis pour moins mal comprendre la façon dont le monde fonctionne est un manquement à nos devoirs de chrétiens. Nous avons reçu un cerveau dont le potentiel est merveilleux, et ne pas nous en servir pour distinguer ce qui marche bien de ce qui marche mal ou ne marche pas est une paresse répréhensible, et le cas échéant un péché. Le Catéchisme de l’Église catholique place la paresse parmi les sept péchés capitaux, et comme le manque de discernement est souvent la conséquence de la paresse intellectuelle, on peut considérer que le Malin trouve son compte à cette faiblesse du discernement qui fait des ravages dans notre civilisation. Ces ravages sont d’autant plus conséquents que les personnes qui sont dans l’erreur, qui prennent des vessies pour des lanternes, qui ne font pas les efforts requis pour penser juste, se considèrent fréquemment et sont souvent largement reconnues comme étant des sommités. Caritas in veritate l’a bien montré : il n’y a pas d’authentique amour du prochain là où prévaut le refus de la vérité. Nous avons le devoir de chercher la vérité, et donc d’accroître nos connaissances, de façon à « dominer » la nature. … Lire la suite

“La monnaie et l’argent à la lumière de la Doctrine Sociale de l’Église”, ouvrage collectif de l’Association des Économistes Catholiques

L’AEC est heureuse d’annoncer la publication, le 15 octobre 2024, d’un nouvel ouvrage collectif aux éditions Pierre-Téqui : “La monnaie et l’argent à la lumière de la Doctrine Sociale de l’Église” Cet ouvrage peut être commandé directement chez l’éditeur, au prix de 16 €.   La monnaie et l’argent sous l’angle de la doctrine sociale de l’Église ! Vaste sujet qui conduit à de très nombreuses réflexions qui, cependant, n’épuisent en rien le sujet, tant il est complexe et riche, et tant il évolue au cours du temps. S’appuyant sur huit contributeurs de haut niveau, cet ouvrage, après avoir défini la monnaie elle-même et son rapport avec la vie commune, et donc avec le politique, puis avoir interrogé sa fonction et son usage, en introduisant une dimension plus spécifiquement morale, aborde plus particulièrement l’éclairage de la tradition chrétienne sur l’usage même de l’argent. Ce livre ne se contente donc pas d’offrir une vision étatique de la monnaie mais, se fondant sur le Magistère de l’Église, nous propose une réflexion structurée, de la personne au monde, sur l’argent et son usage. L’Association des économistes catholiques regroupe des acteurs de l’économie française qui veulent approfondir la réflexion sur l’ensemble des sujets économiques, en lien avec la doctrine sociale de l’Église.

“État et libertés face aux fractures sociales : les pistes ouvertes par la doctrine sociale de l’Église”, par Jean-Yves Naudet

Tel était le thème retenu par les membres de l’AEC pour leur réunion interne du 1er décembre 2019. Aujourd’hui, nous publions le deuxième des articles écrits et présentés par nos membres à l’occasion de cette réunion. Il s’agit d’un texte de Jean-Yves Naudet. Télécharger la version complète de l’article, en format Word. L’objet de cette intervention est d’examiner ce que la doctrine sociale et, plus précisément, les encycliques sociales disent de cette question. Il s’agit donc du rôle de l’État et de la place des libertés, dans le domaine des questions sociales, et non du rôle de l’État en général en matière économique. C’est la question sociale qui est au centre du sujet. Cependant, le point de vue de la doctrine sociale sur l’ensemble du rôle de l’État permet de mieux comprendre la réponse de l’Église face à la question sociale et notamment aux fractures sociales. En simplifiant au maximum, on peut dire que la doctrine sociale n’est ni collectiviste, ni libertarienne. Ce qui ressort des encycliques sociales, c’est que l’État a un rôle à jouer dans ce domaine, mais que ce rôle a d’importantes limites. Deux principes de la doctrine sociale permettent de préciser ce point. D’abord le principe de subsidiarité, qui s’applique dans tous les domaines et donc aussi à propos de la question sociale. Il conduit à écarter toute réponse centralisée, étatique, monopolistique en ce domaine : c’est au plus bas niveau, celui des familles, des entreprises, des associations, des collectivités décentralisées que doivent d’abord se régler ces questions. Mais la subsidiarité n’écarte pas la possibilité de l’intervention de l’État, lorsque les solutions plus décentralisées n’ont pu régler le problème. Ensuite le principe du bien commun, à savoir l’ensemble des conditions sociales qui permettent l’épanouissement des personnes et des groupes. Là aussi, ces conditions sociales se trouvent à tous les niveaux et donc, par exemple, la famille vient en premier pour résoudre les fractures sociales, de même que les associations. Chacun a sa part de responsabilité dans le bien commun et les politiques n’en sont que les responsables ultimes, au niveau le plus élevé. Mais cela signifie que l’État peut avoir, là aussi, un certain rôle à jouer face aux fractures sociales, si l’ensemble des corps intermédiaires, si la société civile toute entière n’ont pas pu résoudre la question en vue du bien commun. Par ailleurs, le terme « État » et la place de l’État sont très présents dans les encycliques sociales : Rerum novarum cite le mot État 25 fois, Jean XXIII dans Mater et magistra 22 fois, Paul VI 4 fois seulement dans Populorum progressio, mais Jean-Paul II 75 fois dans Centesimus annus, 34 fois dans Caritas in veritate de Benoît XVI et 20 fois chez François dans Laudato si’. Certes, la dimension quantitative ne dit pas grand-chose sur le rôle précis le que devrait jouer l’État, sinon que les encycliques sociales accordent une large place à la question de l’État. Quant à l’expression de fracture sociale, elle ne figure dans aucune encyclique, mais le terme social revient souvent : 13 fois dans Rerum novarum, 130 fois dans Centesimus annus, 139 fois dans Caritas in veritate et 88 fois dans Laudato si’. L’APPORT DE LÉON XIII D’une certaine façon, la réponse à la question posée est déjà donnée toute entière dans Rerum novarum, encyclique dont l’objet principal est bien une fracture sociale, celle observée au 19e siècle entre ouvriers et patrons. Dès l’introduction, Léon XIII pose le problème : « Les rapports entre patrons et ouvriers se sont modifiés. La richesse a afflué entre les mains d’un petit nombre et la multitude a été laissée dans l’indigence. Les ouvriers ont conçu une opinion plus haute d’eux-mêmes et ont contracté entre eux une union plus intime. Tous ces faits, sans parler de la corruption des mœurs, ont eu pour résultat un redoutable conflit. ». (RN § 1) Il ajoute que la question n’est pas simple à résoudre : « Le problème n’est pas aisé à résoudre, ni exempt de péril. Il est difficile, en effet, de préciser avec justesse les droits et les devoirs qui règlent les relations des riches et des prolétaires, des capitalistes et des travailleurs. D’autre part, le problème n’est pas sans danger, parce que trop souvent d’habiles agitateurs cherchent à en dénaturer le sens et en profitent pour exciter les multitudes et fomenter les troubles. ». (RN § 3). On sait en effet la ferme condamnation que Léon XIII fera face aux solutions socialistes en la matière, le collectivisme marxiste étant un remède pire que le mal. La suppression de la propriété privée, dit-il, dénaturerait les fonctions de l’État, ce qui pose déjà une limite claire à son domaine. Mais Léon XIII va plus loin : « Et qu’on n’en appelle pas à la providence de l’État, car l’État est postérieur à l’homme. Avant qu’il pût se former, l’homme déjà avait reçu de la nature le droit de vivre et de protéger son existence ».  (RN § 6-2). À la famille, « il faudra de toute nécessité attribuer certains droits et certains devoirs absolument indépendants de l’État » (RN § 9-1). Dans chaque domaine, et cela vaut donc pour la question sociale, « L’autorité paternelle ne saurait être abolie ni absorbée par l’État, » (RN § 11). En effet, « en substituant à la providence paternelle la providence de l’État, les socialistes vont contre la justice naturelle et brisent les liens de la famille » (RN § 11). Mais alors, dit Léon XIII, « que sommes-nous en droit d’attendre de l’État pour remédier à la situation ? » (RN § 25-2), c’est-à-dire à la fracture sociale de son époque. « Les chefs d’État doivent d’abord apporter un concours d’ordre général par tout l’ensemble des lois et des institutions. Nous voulons dire qu’ils doivent agir en sorte que la constitution et l’administration de la société fassent fleurir naturellement la prospérité, tant publique que privée. » (RN § 26-1). L’action de l’État en matière sociale peut être légitime : « De même donc que, par tous ces moyens, l’État peut se rendre utile aux autres classes, de même il peut grandement améliorer le sort de la classe … Lire la suite

“Dons et prélèvements obligatoires à la lumière de Notre-Dame”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot, publié le 19 avril 2019 sur Aleteia Trois familles françaises qui comptent parmi les plus fortunées du globe donnent généreusement pour la rénovation de Notre-Dame : bravo ! Mais n’oublions pas la foule de ceux qui ont fait ou feront des dons modestes, à la mesure de leurs moyens. Souvenons-nous de la parole du Christ à propos des dons, parole rapportée au chapitre 21 de l’évangile de Luc : « Comme Jésus enseignait dans le Temple, levant les yeux, il vit les gens riches qui mettaient leurs offrandes dans le tronc du trésor. Il vit aussi une veuve misérable y déposer deux piécettes. Alors il déclara : « En vérité, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis plus que tout le monde. Car tous ceux-là ont pris sur leur superflu pour faire leur offrande, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a donné tout ce qu’elle avait pour vivre. » Le sens du don, de l’impôt et des cotisations sociales Cette déclaration de Jésus signifie bien sûr que les « petits » donateurs anonymes méritent tout autant notre admiration et notre reconnaissance que les « grands » donateurs très connus. Mais elle nous stimule aussi pour rechercher le sens de la dépense publique et de son financement ordinaire par les impôts et les cotisations sociale : ces « prélèvements obligatoires », comme on les appelle, ne ressembleraient-ils pas d’une certaine manière aux dons faits pour restaurer Notre Dame ? Le don ne nous ouvre-t-il pas une fenêtre par laquelle nous pouvons apercevoir la vraie raison d’être et la vraie signification de ces transferts en faveur des administrations publiques ? Notre-Dame est le patrimoine de chaque Français, et plus largement encore, de chaque humain. En contribuant à sa restauration, chacun comprend que son don est utile et qu’il a du sens. Chaque euro versé signifie une adhésion personnelle à une culture qui vient de nos ancêtres, qui nous a été donnée et que nous avons à cœur de transmettre. Nous donnons pour que continue à exister quelque chose que nous reconnaissons comme bon, et que nous aimons. Mais quand nous payons nos impôts et cotisations sociales, ne faisons-nous pas, d’une certaine manière, la même chose ? Observons ce qui se produit de temps à autre après un accident, ou un grave ennui de santé : une souscription est lancée pour rendre possible le recours à un traitement que l’assurance maladie ne prend pas en charge. Pourquoi verserions-nous à regret nos cotisations maladie, alors que nous sommes prêts à ouvrir simultanément notre cœur et notre portefeuille lorsqu’un événement particulier, non prévu par le législateur, n’est pas « couvert par la sécu » ? La fraternité, fondement de la solidarité La formule d’Aragon, « Celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas », éclaire le grand mouvement de générosité qu’a déclenché l’incendie de Notre-Dame. Que nous ayons personnellement telle ou telle conviction en matière religieuse, nous nous rendons compte que nous avons été nourris du même lait, que nous avons quelque chose en commun, que nous formons une grande famille – la famille humaine ou l’une de ses branches, telle que la famille « France ». Pourquoi recourir au mot « famille » pour exprimer la solidarité ? Parce que la famille est la matrice première de la solidarité. La Doctrine sociale de l’Église emploie largement l’expression « famille humaine », particulièrement pour comprendre le « nouveau modèle d’unité du genre humain dont doit s’inspirer en dernier ressort la solidarité », selon les termes employés par Jean-Paul II dans Sollicitudo rei socialis. La République française était déjà animée par une inspiration analogue quand elle a choisi « fraternité » comme l’un des trois mots destinés à former sa devise. Dans des occasions comme celle-ci nous réalisons que nous sommes en quelque sorte le frère ou la sœur de personnes que nous ne connaissons pourtant « ni d’Eve, ni d’Adam », selon la formule consacrée. Donner, c’est le moyen de participer à cette fraternité. Ce n’est pas seulement utile matériellement, c’est un souffle, un esprit, que nous avons en commun, qui nous lie, qui fait de nous autre chose qu’un agrégat d’individus : une communauté de personnes, une grande famille. Les dons suscités par l’incendie de Notre-Dame fournissent une leçon sur la valeur véritable de notre don, qu’il soit de quelques euros ou de millions : nous formons une sorte de famille qui a en commun des valeurs, une culture, incarnée dans de beaux monuments et de belles œuvres, et nous serions des adultes indignes si nous ne faisions pas ce qui est nécessaire pour transmettre à la génération de nos enfants ce dont nous-mêmes avons hérité. Revoir les « prélèvements obligatoires » à la lumière du don Payer sa taxe d’habitation, son impôt sur le revenu ou sa cotisation vieillesse ne peut pas éveiller exactement le même sentiment que participer à la rénovation de Notre-Dame, mais néanmoins nous pouvons comprendre, percevoir le sens et l’utilité de ces paiements – ou nous devrions pouvoir. Hélas, ce que nous versons, impôt ou cotisation sociale, a trop souvent perdu toute signification : ce n’est plus qu’un « prélèvement obligatoire ». L’usage du mot « prélèvement » est malheureux, tout comme la retenue à la source de l’impôt sur le revenu : faire un acte positif pour donner à la sécurité sociale ou à l’État les moyens de faire fonctionner notre grande famille française (ou italienne, ou algérienne, etc.) a un sens ; l’amenuisement de notre rémunération totale en est un résultat, mais son sens est notre participation à une œuvre commune. Il faut nous ressourcer, retrouver dans nos versements au fisc et à la sécurité sociale ce qui fait sens, ce qui nous constitue non comme citoyens isolés, mais comme concitoyens – citoyens avec d’autres citoyens. Et pour cela il serait très utile de renoncer à des méthodes réputées « indolores », retenues à la source et cotisations soi-disant patronales. Les citoyens doivent pouvoir prendre conscience de la solidarité qui se crée en payant impôts et cotisations sociales, comme elle se crée en faisant un don à la fondation du patrimoine pour rénover Notre-Dame ou entretenir le château de Versailles ou conserver telle petite chapelle ou ce qui reste de tel château-fort. La … Lire la suite

“Débarquement : un anniversaire raté”, par Jacques Bichot

Ce qui fut important, le 6 juin, n’est pas que Trump et Macron se soient congratulés à propose d’un débarquement vieux de 75 ans. Ce qui compte, c’est que, ce jour-là, Xi Jinping et Vladimir Poutine se soient retrouvés au forum économique de Saint-Pétersbourg pour signer de gros contrats, après déjà deux journées de rencontre à Moscou. Rapprochement entre la Chine et la Russie La Chine courtise la Russie, non pour ses beaux yeux ou parce qu’elle fut communiste, mais pour la dot qu’elle pourrait apporter dans sa corbeille de mariée : la Sibérie. Le monde libre est en train de commettre l’une des plus grosses erreurs stratégiques de son histoire en assistant, passif, au rapprochement du pays le plus peuplé de la planète, animé par une croissance économique inouïe, et du pays qui dispose du plus vaste espace quasiment inoccupé, mais riche d’un potentiel formidable, particulièrement en cas de réchauffement climatique. Poutine aurait dû être invité par égard pour un ancien allié : sans les efforts de l’armée soviétique portant sur le dispositif oriental de l’armée nazie, il y aurait eu davantage de troupes allemandes pour s’opposer au débarquement allié, et celui-ci aurait peut-être échoué. Mais il aurait surtout dû être invité parce que l’Europe sans la Russie n’est que l’extrémité d’un ensemble continental qui commence à Vladivostok. Sans la Russie, l’Europe est et sera de plus en plus un nain démographique, économique et politique. Avec la Russie, la Chine aura les moyens de dominer la planète. C’est Xi Jinping qui va peut-être réaliser l’équivalent du plan territorial d’Adolf Hitler, ou plus encore. L’Union européenne dépassée Emmanuel Macron s’est-il rendu compte de cet enjeu ? Je ne sonde ni les reins, ni les cœurs, mais je doute que ce soit le cas. Notre président est un bon tacticien, il l’a démontré en se faisant élire, mais est-il un stratège ? J’ai peur que non, et qu’il n’y ait en Europe occidentale aucun homme ayant à la fois les capacités et l’occasion de se manifester comme tel. L’Union européenne est dépassée avant d’avoir véritablement existé : il faudrait une Eurasie allant de l’Irlande au détroit de Béring, c’est le seul moyen d’équilibrer d’abord la Chine, puis l’Inde, qui est en train de s’éveiller. Il n’est peut-être pas trop tard, mais quand on voit l’incapacité européenne à trouver une solution pour que le Royaume-Uni reste, de facto sinon de jure, membre de l’Union, il est difficile d’être optimiste.   Powered By EmbedPress

Des nouvelles de notre ami, le père Pierre Coulange

L’AEC est heureuse de vous faire part des deux informations suivantes, concernant notre ami Pierre Coulange. 1) En date du 8 juin 2023, nous recevions le message suivant du Professeur Jean-Yves Naudet, fondateur et ex-président de l’AEC : “Chers amis de l’AEC, j’ai le plaisir de vous annoncer que, sur ma proposition, et avec le soutien actif notamment de Pierre de Lauzun et de  Jean-Didier Lecaillon, notre ami le père Pierre Coulange vient d’être élu membre du corps académique de l’académie catholique de France. Je m’en réjouis pour lui et pour l’AEC, puisqu’il est ainsi le 5e membre de  l’AEC à devenir membre de l’académie catholique. Félicitations à Pierre Coulange; il y a là une juste récompense de ses engagements, de ses travaux de recherche et de ses publications. Amitiés à tous Jean-Yves Naudet Professeur honoraire Aix-Marseille Université” 2) Ce même 8 juin 2023, Pierre Coulange publiait un nouvel ouvrage, ayant pour titre “Peut-on être catholique sans perdre son âme ?” et pour sous-titre “La doctrine sociale de l’Église comme chemin de sainteté”. Nous vous invitons à trouver de plus amples informations sur la page de présentation de l’auteur, sur ce même blogue.