Impôt sur le revenu : la mauvaise réforme chasse la bonne

Article de Jacques Bichot, publié le 14 avril 2018 sur Économie-Matin et L’Incorrect Au XVIe siècle, époque où la monnaie métallique était encore « la monnaie » par excellence, Thomas Gresham expliqua que la mauvaise monnaie (les pièces usées, rognées, ou composées d’un alliage trop pauvre en métal précieux) chasse la bonne (les pièces comportant exactement la quantité réglementaire d’or ou d’argent). Plus précisément, il observait que les pièces d’excellente qualité étaient thésaurisées, tandis que l’on donnait préférentiellement en paiement celles dont la valeur libératoire (la capacité à éteindre une dette exprimée en unités monétaires) découlait d’une décision politique ordonnant de recevoir en paiement toutes les monnaies pour le montant décidé par le Prince, indépendamment de leur valeur intrinsèque (leur contenu en or ou en argent). Les pouvoirs publics du XXIe siècle n’émettent plus des monnaies contenant trop peu de métal précieux, mais ils ont – hélas – une ressource encore plus nocive pour le bon peuple : faire des réformes qui ne servent pas à grand-chose, si ce n’est à rien, ou qui sont carrément nuisibles, mais qui donnent l’impression qu’ils agissent. La production de nouveaux textes abondants et de mauvaise qualité empêche ainsi de prendre les dispositions moins nombreuses mais intelligentes qui auraient été bonnes pour le pays. La France est depuis longtemps dans une situation d’inflation législative et réglementaire du fait de ces émissions de textes dont le contenu est médiocre, très en deçà de ce qui serait nécessaire pour redresser notre pays, quand il ne s’agit pas d’un poison. Comme nous allons le montrer, la réforme de l’impôt sur le revenu qui est maintenant sur des rails – le prélèvement à la source – fait hélas partie de ces mauvaises réformes qui, en saturant notre capacité de changements législatifs et réglementaires, interdit de procéder aux innovations réellement utiles. Compliquer au lieu de simplifier Le Monde du 11 avril le reconnaît : « la réforme ne semble pas aller dans le sens d’une simplification ». Premièrement, « la déclaration de revenu, à remplir chaque printemps, ne disparaît pas. » C’est toujours à partir de cette déclaration que sera calculé l’impôt dû par le contribuable au titre de l’année antérieure, mais déjà payé, en partie, en totalité, ou même davantage, selon les cas, du fait du prélèvement à la source. C’est aussi à partir de cette déclaration de revenus que sera calculé le taux d’imposition utilisé pour le prélèvement à la source de la période suivante, en étant communiqué aux employeurs, caisses de retraite et autres organismes tenus de verser au fisc une certaine proportion de ce qu’ils doivent au contribuable. La période durant laquelle s’appliquera le taux calculé sur la base de la déclaration faite au printemps N ne coïncidera plus avec une année civile : elle ira du mois de septembre N au mois d’août N+1. Au lieu d’additionner simplement les montants de deux acomptes, comme dans le système actuel, le contribuable désireux de vérifier ce qu’il a déjà payé pour le comparer à ce qu’il doit sera obligé d’additionner douze prélèvements mensuels réalisés les uns avec le taux de l’année N et l’autre avec le taux de l’année N+1. Qui a dit « simplification » ? De plus, lorsque le contribuable est un ménage, il pourra demander l’application de deux taux différents, un pour chaque conjoint ; il pourra même demander que, pour chacun, le taux soit calculé comme s’il était célibataire sans enfant à charge. Quant au fisc, il devra transmettre les informations requises aux différents employeurs ou caisses de retraite, et on ose à peine penser à ce qui se passera lorsqu’une personne enchaînera des CDD avec différents employeurs, ou combinera un emploi salarié avec une activité de travailleur indépendant. Les employeurs, et particulièrement les petites entreprises, en lesquelles les pouvoirs publics mettent beaucoup d’espoir pour le redressement du pays, sont aux cent coups. Le chiffre d’affaire des cabinets d’expertise comptable augmentera certainement, mais au détriment des organismes obligés de recourir davantage à leurs services sans en retirer quoi que ce soit de plus si ce n’est de remplir une fonction d’auxiliaire du fisc, dont le travail ne sera pas diminué pour autant. Travailler plus pour produire autant, tel sera le résultat de cette réforme contreproductive. Solidaires Finances publiques, qui regroupe les fonctionnaires de Bercy appartenant à divers syndicats, a fait au journal Le Monde la déclaration suivante : « Cette réforme va modifier en profondeur nos relations avec les contribuables et, malgré l’objectif affiché de simplification, amener une complexité supplémentaire. » Bref, la réforme de l’impôt sur le revenu (IR) semble relever du dicton « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » Une réforme qui manquera son but Officiellement, la réforme de l’IR est supposée éviter une surprise désagréable aux contribuables dont le revenu diminue, par exemple à l’occasion du départ en retraite. Mais le ministre des comptes publics, Gérard Darmanin, a vendu la mèche : répondant aux journalistes du journal Le Monde qui s’inquiétaient de savoir si la réduction des sommes versées par les employeurs sur les comptes des salariés n’allait pas les inciter à réduire leur consommation, ce qui nuirait à la croissance, le ministre a répondu : « on sous-estime le fait que les gens ont tendance à surépargner pour payer leurs impôts ». Autrement dit, les Français n’ont, pour la plupart, aucun besoin d’être ponctionnés au fur et à mesure de leurs rentrées d’argent, comme des cigales imprévoyantes ; le ministre les reconnaît au contraire comme étant des fourmis qui mettent trop d’argent de côté ! Si cela est vrai, la justification principale avancée en faveur de la réforme, à savoir protéger des imprévoyants et assurer au fisc des rentrées sans problèmes, tombe à l’eau : le Français, sauf exception, est un épargnant bien adapté à la gestion prévisionnel de son revenu ; il n’a nul besoin que Bercy lui serve de nounou. Certes, il existe des ménages qui ne savent pas gérer leur budget, qui souscrivent des crédits à la consommation excessifs et tombent dans le surendettement, mais il s’agit d’une petite minorité, et de toute façon ce n’est pas la retenue à la source de l’IR qui résoudra leur … Lire la suite

Comment réformer les retraites ?

Article de Jacques Bichot publié le 31 août 2018 sur Aleteia Pour être juste, le nouveau système de retraite doit sortir de la logique comptable en distribuant les droits à pension en fonction de l’investissement dans la jeunesse. Les propositions de l’économiste Jacques Bichot. Une réforme des retraites par répartition françaises a été mise à l’étude. Pour ce faire, il a été créé un Haut-Commissariat à la réforme des retraites, rattaché au ministère des Affaires sociales, et dirigé par un ancien ministre, Jean-Paul Delevoye. Jusqu’à présent, cette instance s’est documentée sur ce qui se fait dans quelques pays étrangers, et a consulté les partenaires sociaux. Vient le moment où le Haut-Commissariat va devoir se lancer, faire des propositions concrètes, cohérentes avec la feuille de route dressée par le président de la République, qui se résume ainsi : chaque euro cotisé doit ouvrir le même droit à pension, quelles que soient la profession et la situation du cotisant. Quelles recommandations peut bien lui faire un économiste chrétien qui a beaucoup travaillé sur le sujet, depuis près de 40 ans ? Il faut premièrement comprendre le mode de fonctionnement des retraites par répartition, et deuxièmement élaborer un cadre institutionnel compatible avec la réalité de ce fonctionnement — ce qui n’est pas le cas de la législation actuelle. Comment fonctionnent réellement les retraites par répartition ? Le problème auquel nous sommes confrontés est tragiquement simple : un peu partout dans le vaste monde, les législateurs n’ont rien compris à la façon dont, réellement, les choses se passent dans ce domaine. Leur idée, semble-t-il partagée par Emmanuel Macron, est que les cotisations payées par les actifs au profit des retraités — les cotisations vieillesse — doivent ouvrir des droits à pension à ceux qui les versent. Cette idée n’est conforme, ni au bon sens économique, ni à la justice commutative (le principe qui veut que si A reçoit de B, celui-ci lui rende en échange à peu près l’équivalent, que ce soit immédiatement ou plus tard). Thomas d’Aquin, entre autres grands intellectuels catholiques, a beaucoup écrit sur cette justice commutative, qui est l’instrument de base des échanges économiques respectueux du bien commun, et qui devrait être respectée par le système de retraites : quand on a beaucoup reçu, il est normal de beaucoup donner en retour. S’il a du bon sens, chaque adulte encore en âge de travailler comprend qu’aucun de ses aînés, dont il contribue à payer la pension, ne va après sa mort sortir de sa tombe et se remettre au turbin pour l’entretenir durant sa vieillesse : c’est sur la génération suivante que nous comptons en fait. La retraite par répartition fonctionne donc selon le principe que l’on trouve par exemple dans le commandement « honore ton père et ta mère » (Ex 20, 12), et aussi dans le livre de Ben Sira le sage, au chapitre 3, où l’on peut lire : « Mon fils, viens en aide à ton père dans sa vieillesse », et de façon plus précise, au chapitre 7 : « De tout cœur glorifie ton père, et n’oublie pas les souffrances de ta mère. Souviens-toi que tu leur dois la vie, comment leur rendras-tu ce qu’ils ont fait pour toi ? » La philosophie confucéenne, indépendante des cultures moyen-orientales, accorde pareillement une grande importance au devoir de reconnaissance des enfants envers leurs parents : l’échange entre générations successives fait partie des bases principales de la société humaine, et pas seulement dans la tradition judéo-chrétienne. Cet échange entre parents et enfants reste le mécanisme de base de nos retraites par répartition. Simplement, au lieu d’être organisé au sein d’une cellule familiale, c’est au niveau d’un pays tout entier que se réalise un échange entre générations successives, la génération A investissant dans la génération B avant de bénéficier en retour d’une prise en charge par cette génération B. Alfred Sauvy, démographe et économiste, l’expliquait à l’époque où j’étais étudiant, et je lui dois ma compréhension du fonctionnement véritable des retraites par répartition. Il le fit particulièrement au milieu des années 1970, quand le printemps démographique français céda rapidement la place à l’automne. Sachant quelles seraient les conséquences du recul de la natalité sur l’avenir de nos retraites, il poussa des cris d’alarme. Il ne fut pas entendu, et une « ignorance crasse », comme on dit, continue hélas de régner en la matière. La construction d’édifices législatifs sans rapport avec la réalité économique Voici un exemple de cette ignorance. Il s’écrit fréquemment, y compris dans des textes publiés par des institutions réputées, que nos retraites sont mises en péril par le baby-boom des années 1945 à 1974, dont les membres nombreux ont commencé à passer de l’activité à la retraite. La vérité est bien différente : le problème n’est pas le nombre des retraités en lui-même, mais son rapport au nombre des actifs auxquels ils ont donné naissance. Les enfants du baby-boom ayant eu en moyenne une fécondité très inférieure à celle de leurs parents, il existe un déficit de cotisants pour les prendre en charge. Attribuer aux géniteurs des années 1945-1974 la responsabilité d’une situation qui incombe exclusivement au comportement malthusien de leurs enfants est éminemment absurde stupide. D’où vient une telle erreur ? De ce que le dispositif juridique, en distribuant les droits à pension non pas en fonction de l’investissement dans la jeunesse, mais en fonction des sommes dépensées au profit des personnes âgées, a faussé les esprits : les errements du législateur ont pour conséquence que nos contemporains prennent les vessies pour des lanternes. Benoît XVI avait raison de souligner, dans Caritas in veritate, que le cœur a besoin de la raison : les bons sentiments relatifs à la solidarité entre générations successives, faute de s’appuyer sur une analyse économique exacte, ont engendré un système de retraites par répartition incapable de fonctionner équitablement. Comment, historiquement, cela s’est-il passé dans notre pays ?  Les premières retraites créées par les pouvoirs publics, en 1910, pour qu’une large partie de la population y soit obligatoirement affiliée, fonctionnaient théoriquement par capitalisation : les cotisations devaient être investies, et les cotisants auraient dû recevoir à la retraite les dividendes de ces investissements. … Lire la suite

Jacques Bichot : “Retraites : que faire ?”

Article de Jacques Bichot, en date du 7 décembre 2019 Dans un précédent article j’ai expliqué à quel point nos hommes politiques étaient incompétents en ce qui concerne l’indispensable réforme de notre système de retraites. Il convient maintenant de leur donner le mode d’emploi qu’ils ne sont pas capables de trouver par eux-mêmes. Je pourrais me borner à leur recommander la lecture de La retraite en liberté, ouvrage publié en 2017 avec l’appui de l’association Sauvegarde retraites, qui en a fourni un exemplaire à bon nombre d’hommes politiques, puisque ce petit ouvrage (il a la taille d’un Que Sais-je ?) contient l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour réaliser rapidement une réforme cohérente des retraites dites « par répartition ». Une telle réforme donnerait à la France une longueur d’avance dans ce domaine où, il faut l’avouer, aucun pays n’a encore trouvé la formule adéquate. Mais combien existe-t-il d’hommes politiques prêts à lire 123 pages ? Je vais donc fournir ci-dessous un mode d’emploi beaucoup plus concis. La réforme doit et peut prendre la forme d’un blitzkrieg. Pourquoi vouloir faire traîner les choses ? Modifier petit-à-petit les règles du jeu aurait pour conséquence inéluctable d’inquiéter fortement les Français pendant une longue période et d’exposer la réforme à toutes sortes de remises en question. Il faut avoir l’esprit de décision, trancher dans le vif. Si la réforme n’est pas réalisée avant la prochaine élection présidentielle, il est probable qu’elle tournera court et que la France traînera indéfiniment ses 42 régimes tous basés sur une escroquerie du type Madoff. Mais, dira-t-on, ce n’est pas possible techniquement, il faut procéder par étapes. Cette affirmation est inexacte. Il est possible de faire basculer rapidement la totalité de la population française dans le nouveau système fonctionnant par points. A partir du 1er janvier 2021, par exemple, les actifs ne percevraient plus leurs droits à pension que sous forme de points et dans le système unique que nous appellerons France retraites. Cela ne veut pas dire que les institutions existantes disparaîtraient, remplacées par un coup de baguette magique. Chaque salarié du privé choisirait d’avoir son compte de points, soit dans sa CARSAT, soit dans l’institution Agirc-Arrco dont il dépend pour sa retraite complémentaire. Les salariés des régimes spéciaux ne changeraient pas de caisse de rattachement, non plus que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, et l’État en créerait une, à partir de ses services gestionnaires des pensions, pour ses fonctionnaires. Les droits acquis sous l’ancien régime seraient progressivement exprimés en points, en commençant par les personnes les plus âgées. Cette conversion en points des droits acquis avant la réforme prendra évidemment du temps, puisqu’il faudra faire des calculs équivalents à ceux d’une liquidation, mais l’important est qu’elle soit achevée, pour chaque assuré social, avant la liquidation de sa pension. Les personnes encore jeunes au moment du big-bang (la proclamation de la loi portant réforme des retraites et création de France-retraites) attendront quelques années avant de savoir le nombre exact de points acquis antérieurement au big-bang, mais cela ne détériorera nullement leur situation, puisqu’actuellement un travailleur en poste depuis seulement quelques années ignore en fait la valeur des droits qu’il a déjà engrangés. Pour respecter le principe constitutionnel d’égalité, les personnes ayant liquidé leur pension avant le jour J verront leurs droits transformés quasi immédiatement en points, opération simplissime : si quelqu’un a une pension de 1 500 € par mois, et si la valeur de service du point est 10 € mensuels, il sera à la tête de 150 points. Cette transformation quasi immédiate permettra à tous les Français d’être égaux face aux modifications du montant de leur pension après sa liquidation. Si par exemple, une année, le point est réévalué de 1 %, ce sera vrai pour tout un chacun, anciens retraités comme nouveaux retraités. La réforme doit remplacer le fonctionnement actuel de type Ponzi-Madoff par une formule économiquement rationnelle J’ai expliqué mille et une fois qu’il fallait mettre en application la formule du démographe Alfred Sauvy, « nous ne préparons pas nos pensions par nos cotisations, mais par nos enfants ». Comme tout report de revenu d’aujourd’hui vers un futur plus ou moins lointain, les retraites se préparent en investissant. La capitalisation consiste à investir dans les entreprises, les infrastructures, les inventions ; ce qu’on appelle répartition, terme maladroit mais consacré par l’usage, consiste à investir dans le capital humain, principal facteur de production. Autrement dit, les points devront être attribués pour la mise au monde, l’entretien et l’éducation des enfants par leurs parents, ainsi que pour les apports monétaires destinés à la formation (initiale et continue) et au financement de différents services nécessaires ou utiles pour passer du stade d’un ovule fécondé par un spermatozoïde à celui de jeune homme ou jeune fille apte à remplir un rôle productif. Cela va de la PMA, sans laquelle certains enfants ne verraient pas le jour, à l’ASE (Aide sociale à l’enfance), qui s’occupe des enfants maltraités par leurs parents, en passant pas les dépenses de fonctionnement des crèches, des écoles et de l’enseignement supérieur. Presque toutes ces dépenses sont aujourd’hui financées par des impôts, ce qui n’a aucun sens puisqu’il s’agit du financement d’un investissement : il faudra tout simplement les faire financer par une cotisation d’investissement dans la jeunesse, qui procurera des points de retraite. Les parents percevront également des points en reconnaissance des services éminents qu’ils rendent en élevant leurs enfants. Tout cela peut être mis en place très rapidement. L’impôt sur le revenu, avec le système du quotient familial, pourrait constituer la matrice de la cotisation jeunesse, qui sera ainsi plus forte, à revenu donné, pour les personnes n’ayant pas, ou ayant peu, d’enfants à charge, que pour les pères et mères de famille nombreuses : les premiers apporteront surtout de l’argent pour le fonctionnement des services publics nécessaires au passage de l’enfance à l’âge adulte, tandis que les seconds apporteront surtout le soin qu’ils prennent de leur progéniture. Un système de retraites basé sur cet échange entre générations successives sera beaucoup plus bénéfique pour l’économie et pour la natalité que le système actuel, … Lire la suite

Jacques Bichot : Concevoir et organiser la politique familiale comme un investissement (partie 2/2)

Tel était le thème retenu par les membres de l’AEC pour leur réunion interne du 1er décembre 2019. Aujourd’hui, nous publions le premier des articles écrits et présentés par nos membres à l’occasion de cette réunion. Il s’agit d’un texte de Jacques Bichot[1], que nous avons divisé en 2 parties. Voici la 2nde. Télécharger la version complète de l’article, en format PDF. [1] Ce texte est la version écrite d’une conférence donnée le 24 mai 2018 à la mairie du 7e arrondissement de Paris à la demande de l’association Population et Avenir. 3/ Le théorème de Sauvy Parmi les réalités économiques dont la loi en vigueur, en France mais aussi quasiment dans tous les pays développés, ne tient pas convenablement compte, figure le théorème de Sauvy : « en répartition, nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants ». Il s’agit d’un théorème en ce sens que c’est une vérité incontestable, une maxime qui décrit exactement ce qui se passe dans un système de retraites par répartition – la « nature des choses », au sens de Lucrèce. Les cotisations vieillesse ne sont pas consacrées, comme en capitalisation, à investir dans des actifs classiques de façon à bénéficier le jour venu des revenus qu’ils produiront et du montant de leur revente à de nouveaux participants au système. Elles servent à verser des pensions aux retraités actuels. Dans les années 1970, Alfred Sauvy, inquiet de la chute de la natalité, alerta les Français sur les conséquences que cette chute aurait, à long terme, sur les retraites par répartition. Claude Sarraute crut bon de le contredire en écrivant dans Le Monde un billet qui disait en substance : « je paie mes cotisations, j’aurais droit à ma pension, point ligne ». Dans un billet en réponse, Sauvy écrivit à peu près ceci : « Je viens de liquider ma pension. On me transmet le montant de votre cotisation et de quelques autres, merci beaucoup, je vis très bien avec. Mais évidemment, quand viendra votre tour de prendre votre retraite, ne comptez pas sur cet argent, je l’ai dépensé ; comptez plutôt sur les cotisations que verseront ceux qui sont aujourd’hui des jeunes et des bébés : ce sont eux qui vous entretiendront. Et bien entendu, plus ils seront nombreux, plus vous aurez des chances d’avoir une bonne pension. » Cela est la réalité économique, tandis que la législation relative aux retraites est une fiction juridique. En fait, la répartition et la capitalisation fonctionnent de la même manière : on commence par investir, puis on récolte les fruits de ce que l’on a semé, les dividendes des investissements réalisés. La différence principale tient au fait que dans un cas – la capitalisation – l’investissement s’effectue en capital classique (entreprises, immobilier, infrastructures, etc.) tandis que la répartition fonctionne en investissant dans le capital humain. Grosso modo, d’après des estimations comme celle de Stiglitz, Sen et Fitoussi dans leur rapport de 2009, le capital humain représente 2 à 3 fois le capital classique. C’est pourquoi les retraites par répartition sont plus importantes, presque partout dans le monde, que les retraites par capitalisation.   4/ Un contresens législatif de première grandeur et comment le corriger Le fonctionnement des retraites par répartition qui vient d’être exposé montre que l’avenir de celles-ci repose entièrement sur l’investissement dans le capital humain. La politique familiale, quant à elle, participe – assez modestement – au financement de l’investissement dans le capital humain : les prestations familiales font payer par des cotisants une partie des dépenses que les parents effectuent en faveur de leurs enfants. Ce sont des dépenses d’investissement mais, parce que le législateur n’en a pas pris conscience, parce que la chape de plomb du politiquement correct enferme ces prestations dans la catégorie « redistribution », dans une notion économiquement inadéquate d’aide à la famille, les cotisations correspondantes ne procurent aucun droit à ceux qui les versent. Bévue symétrique, les cotisations versées au profit des personnes âgées ouvrent des droits à pension. Notre droit social, en la matière, semble avoir été écrit par Lewis Caroll en vue d’ajouter un chapitre à son ouvrage Alice au pays des merveilles : de même que dans ce pays on ne souhaite pas les anniversaires, mais les non-anniversaires, de même notre droit social intervertit les dépenses de consommation et les dépenses d’investissement. Concrètement, il promet des dividendes à ceux qui paient pour la consommation des personnes âgées, remboursant ainsi la dette qu’ils ont envers la génération qui les a élevés ; et il considère comme des aumônes ce qui sert en fait à financer l’investissement dans la jeunesse, grâce auquel il y aura encore des pensions de vieillesse dans quelques décennies. Ubu-roi ne ferait pas mieux. Les aberrations de notre droit positif vont encore plus loin. Prenons les 70 milliards d’euros, environ, dépensés pour la formation initiale. Il s’agit clairement d’une dépense finançant l’investissement dans le capital humain, et donc préparant les futures pensions. Or cette dépense est financée par l’impôt, au lieu de l’être par une cotisation sociale créatrice de droits à pension. Là encore, la confusion entre investissement et consommation est patente. Prenons maintenant les dépenses d’assurance maladie-maternité consacrées aux enfants, à la procréation médicalement assistée, aux examens et aux soins prodigués pendant la grossesse et lors de l’accouchement : là encore, il s’agit d’investissement dans la jeunesse, relevant donc de la politique familiale au bon sens du terme. Tout cela pourrait être financé par la cotisation sociale créatrice de droits à pension dont il vient d’être question. Et le même raisonnement vaut pour les 7 milliards d’euros qui, en France, financent l’aide sociale à l’enfance, donc en particulier le placement des enfants maltraités par leurs parents : certes, il s’agit d’humanité, il s’agit de redonner une chance à des gamins qui ont reçu sur la tête la pire des tuiles, mais économiquement leur remettre le pied à l’étrier est un investissement dans le capital humain, et si nos législateurs n’avaient pas « les yeux grand … Lire la suite

Jacques Bichot : Concevoir et organiser la politique familiale comme un investissement (partie 1/2)

Tel était le thème retenu par les membres de l’AEC pour leur réunion interne du 1er décembre 2019. Aujourd’hui, nous publions le premier des articles écrits et présentés par nos membres à l’occasion de cette réunion. Il s’agit d’un texte de Jacques Bichot[1], que nous avons divisé en 2 parties. Voici la 1ère. [1] Ce texte est la version écrite d’une conférence donnée le 24 mai 2018 à la mairie du 7e arrondissement de Paris à la demande de l’association Population et Avenir. Constat introductif : la Politique familiale est traditionnellement conçue comme une aide aux familles.   Regardons le rapport sécurité sociale 2017 de la Cour des comptes : Didier Migaud, 1er Président, dans sa présentation du rapport à sa parution en septembre 2017, applaudit les efforts de l’ère Hollande pour rendre la politique familiale plus redistributive. Il est heureux que la quasi-totalité des PF soit désormais placée sous conditions de ressources. Il parle des « aides fiscales et sociales aux familles ». Il assimile complètement le quotient familial (QF) à un mécanisme de réduction d’impôt. La lecture du rapport montre qu’il ne s’agit pas là d’une position propre au 1er Président, mais en quelque sorte d’une doctrine de la Cour. L’introduction du rapport, 14 pages qui en dégagent les grandes lignes, et insistent sur les objectifs présentés par la Cour, consacre un peu plus d’une page au thème « Poursuivre la réforme des aides aux famille ». C’est un des dogmes du politiquement correct : tout apport d’argent aux familles est une aide ! Ainsi que tout dispositif fiscal conduisant à ce qu’un foyer fiscal comportant des enfants, à revenu égal, paie moins d’impôt sur le revenu (IR) qu’un autre qui n’en comporte pas. Ce point de l’introduction se termine par une interrogation sur « le bien-fondé de la dualité de la gestion des aides sociales et fiscales par une branche de la sécurité sociale et au sein du budget de l’État ». Autrement dit, la Cour considère que l’on pourrait réviser la répartition des rôles entre l’État et la sécurité sociale pour articuler davantage les « aides sociales » et les « aides fiscales », mais elle ne s’interroge pas sur les concepts qu’elle utilise : les dispositions sociales et fiscales dont elle traite sont classifiées « aides » sans autre forme de procès, comme si c’était une évidence. La Cour décortique ensuite longuement les changements récents qui ont permis de répartir les soi-disant « aides à la famille » davantage en faveur des ménages ayant le plus faible niveau de vie. Elle s’interroge notamment sur le « soutien croissant en fonction du rang de l’enfant » qui, selon elle, « peut s’analyser comme l’héritage de politiques natalistes ». Visiblement, ce qui est « nataliste » sent le soufre. La Cour ne va pas jusqu’à réfuter explicitement l’utilité pour la France de la naissance d’un nombre d’enfants suffisant pour assurer le renouvellement des générations, mais on voit bien que la natalité n’a pas pour elle beaucoup d’importance. Ainsi porte-t-elle un grand intérêt à la façon dont l’Allemagne et l’Italie organisent les prestations familiales et leur financement, sans indiquer que les taux de fécondité de ces deux voisins, très bas, ne les qualifient pas forcément pour servir d’exemple en matière de politique familiale. Bref, pour la Cour l’enfant est une charge au financement de laquelle les pouvoirs publics, de préférence à la sécurité sociale, peuvent participer lorsque les parents ont des revenus modestes. L’idée que sa mise au monde, son entretien et son éducation puissent constituer un investissement est totalement absente. Nous sommes en présence d’une phraséologie politiquement correcte dont la pertinence économique est proche de zéro. L’analyse économique, nous allons le voir, conduit à une tout autre façon de voir les choses.   1/ Le capital humain Les économistes se sont depuis longtemps intéressés à l’homme en tant que facteur de production. L’expression « capital humain » ne signifie certes pas que l’on réduise l’être humain à n’être qu’un facteur de production, mais que l’on refuse de se comporter comme Tartuffe disant « cachez ce sein que je ne saurais voir ». Si des magistrats de la Cour des comptes, et bien d’autres personnes, refusent de prendre en compte la dimension « facteur de production » dont est porteur chacun d’entre nous, c’est bien dommage, mais cela ne nous oblige pas à fermer nous aussi les yeux sur la réalité ; écoutons donc ce que les économistes ont à nous dire à ce sujet. Ouvrons à la rubrique « capital humain » un lexique d’économie classique, celui (régulièrement remis à jour) qui est publié chez Dalloz. Nous y apprenons que cette notion a été mise en valeur par des économistes tels que Theodor W. Schultz et Gary Becker dans les années 1950 et 1960, ce qui a contribué à leur valoir le prix Nobel d’économie une quinzaine d’années plus tard ; que l’expression « capital humain » désigne « l’aptitude de l’individu à travailler », laquelle aptitude dépend de la santé, des compétences et des savoir-faire ; que cette aptitude s’obtient et s’accroît par « l’investissement en capital humain, ensemble des dépenses d’éducation, de formation et de santé » qui permettent de devenir et de rester un travailleur productif. Le lexique cite aussi Robert E. Lucas, Nobel d’économie en 1995, pour ses travaux montrant que l’intervention de l’État est importante pour la formation du capital humain. Notons que ces prestigieux confrères ne sont pas les premiers à avoir découvert que la mise au monde et l’éducation des enfants sont des investissements. Churchill disait parait-il, avec sa truculence savoureuse : « il n’y a pas de meilleur investissement que de mettre du lait dans un bébé ». Et Adam Smith, au XVIIIe siècle, dans ses Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des nations (un classique s’il en est !), comparait à une machine perfectionnée l’homme « qui a dépensé beaucoup de temps et de travail pour se rendre propre à une profession qui … Lire la suite

Aspects économiques du meurtre de Vincent Lambert

Article de Jacques Bichot publié le 7 juillet 2019 dans Économie-Matin Les plus hautes juridictions françaises ont prononcé l’arrêt de mort de Vincent Lambert. Cette condamnation d’un homme qui n’est coupable que d’être viscéralement attaché à sa survie, après un accident qui l’a rendu pauci-relationnel, c’est-à-dire incapable de parler, a fait l’objet d’un nombre impressionnant d’articles mais, curieusement, aucun – à ma connaissance – n’a procédé à une analyse économique de cette situation et des actions qu’elle a suscitées. Il me semble nécessaire de combler cette lacune, parce que l’amour et la haine, l’altruisme et l’égoïsme, le choix entre la vie et la mort, ont une composante économique, comme tout ce qui est humain. Une situation économiquement irrationnelle Vincent Lambert est dans un état pauci-relationnel depuis un accident de voiture arrivé début 2008. Incapable de s’exprimer, et de se nourrir par lui-même, il survit fort bien moyennant une alimentation et une hydratation par tubage et quelques soins de kinés ou d’infirmiers, notamment pour éviter les escarres. Il n’est manifestement pas en fin de vie ; il a même résisté à un arrêt prolongé de son alimentation qui aurait fait passer de vie à trépas plus d’un homme en bonne santé ! Son maintien depuis plus de dix ans dans une unité de soins palliatifs, service médical destiné à adoucir les derniers moments de personnes dont la mort doit selon toute vraisemblance survenir à brève échéance, est un non-sens non seulement médical, mais aussi économique : dans de tels services, le prix de journée est parait-il d’environ 5 000 € par jour, alors que les établissements spécialisés dans le traitement des grands handicapés pratiquent des tarifs deux fois moins élevés.  Voici donc une première aberration économique, qui en dit long sur la gestion de notre système de santé : on gaspille 2 500 € par jour, soit plus de 900 000 € par an, pour maintenir un patient dans un service qui n’est pas adapté à son cas. En dix ans, cela représente un gaspillage de 9 millions d’euros. Il semblerait que la prise en charge de ces dépenses ne soit pas le fait de la sécurité sociale, mais d’une assurance privée : peu importe, un gaspillage est toujours un gaspillage, quelque chose de malsain pour l’économie. Si la mauvaise gestion de certains services publics fait dépenser des sommes extravagantes à des assurances complémentaires, celles-ci sont obligées de pratiquer des tarifs plus élevés, et des millions de personnes physiques et morales en supportent les conséquences. Autres dimensions du gaspillage Ce gaspillage n’est pas la seule conséquence de l’erreur d’orientation dont est victime Vincent Lambert et, par ricochet, sa famille. Dans un établissement adapté, il aurait reçu le type de soins que réclament ses parents, susceptibles de le ramener progressivement à l’usage de certaines de ses facultés. Vincent, à ce qu’en disent les media, est capable de déglutir, et il respire naturellement : c’est un point de départ intéressant pour, progressivement, lui redonner l’usage de certaines de ses facultés. Mais cela ne correspond pas aux compétences d’un service conçu spécifiquement pour limiter, et le cas échéant abréger, les souffrances de personnes dont les chances de survie sont nulles.  Placer une personne dont le pronostic vital à long terme est excellent dans un service dont la compétence et la vocation sont de prodiguer des soins palliatifs lui ôte quasiment toute chance de retour à une vie, sinon normale, du moins plus proche de ce que chacun estime être une existence acceptable. Vincent Lambert a donc été injustement privé d’une chance d’amélioration de son état. Mais il n’est pas le seul à être lésé par les dysfonctionnements de nos systèmes hospitalier et judiciaires : les dégâts collatéraux sont considérables. Ils concernent d’abord les proches de la victime : une famille divisée entre partisans et adversaires de l’euthanasie d’un époux, d’un fils, d’un frère, d’un cousin, d’un ami. Il serait évidemment ridicule de faire d’une somme d’argent une sorte de mesure de ce gâchis relationnel et affectif, mais l’économie n’est pas une discipline limitée à évaluer en argent les biens, les situations, les relations humaines. Bien des vulgarisateurs des travaux économiques, ainsi que certains de mes confrères, semblent considérer l’argent comme une mesure de la valeur : c’est un enfantillage !  Une dramatique destruction de valeur La monnaie sert à organiser la production, la consommation, certains échanges, l’appropriation des biens, mais il faut la maintenir à son rang d’outil organisationnel. Les vraies valeurs ne s’appellent pas euro ou dollar, mais affection, amitié, amour, gentillesse, dévouement, générosité, et ainsi de suite. C’est pourquoi les perturbations apportées dans la famille de Vincent Lambert par le comportement irresponsable, pour ne pas dire inhumain, de médecins et d’hommes de loi, constituent aux yeux de tout économiste pas trop borné une très importante destruction de valeur. Cette expression, si souvent employée à propos de la baisse du cours d’une action, ne doit pas être confisquée au profit du « monde des affaires » : la destruction de valeur, c’est d’abord, bien sûr, la disparition d’un être humain, mais c’est aussi la destruction de tout ce qui fait la véritable richesse de l’espèce humaine, ce que nous avons suggéré par les mots affection, amitié, etc.  Or, à cet égard, comment ne pas voir dans l’affaire Lambert une grande destruction de valeur, autrement plus importante que la baisse du cours boursier d’un quelconque GAFA (les quatre « très grands » du numérique) ? Cette destruction de valeur ne s’exprime pas monétairement, mais elle touche à ce qu’il y a de plus important : la vie humaine et le respect qui lui est dû. Quand un tribunal donne l’ordre de tuer un innocent, ce n’est pas seulement Vincent Lambert que l’on assassine, c’est l’idée même du droit, protecteur de la vie et de l’innocence. Une des valeurs les plus importantes pour l’humanité et pour ses subdivisions, dont l’une est le peuple français, est le respect, non pas tellement du droit positif, dont les errements sont nombreux, mais des « règles de juste conduite », selon l’expression chère à Hayek, l’un des plus grands économistes du XXe siècle.  Il est possible que nos lois françaises … Lire la suite

“EPR de Flamanville : un bien curieux contrôle”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot, publié le 22 juin 2019 sur Économie-Matin L’autorité de sureté nucléaire (ASN) remplit un rôle crucial, tout le monde en a conscience : personne n’a envie qu’une catastrophe de type Tchernobyl se produise en France. Mais est-elle à la hauteur de sa tâche ? Ne serait-il pas de bonne guerre de contrôler le contrôleur ? Et la direction de notre grand producteur d’électricité, EDF, s’est-elle comportée correctement dans cette affaire ? Les soudures dites « de traversée » qui présentent des imperfections se situent « entre les parois interne et externe de l’enceinte de confinement du réacteur », donc au cœur même de celui-ci, à proximité des générateurs de vapeur, sur les tuyaux qui acheminent cette vapeur vers les turbines productrices d’électricité. Elles sont donc névralgiques. Quand exactement ont-elles été réalisées ? Quand ont-elles été contrôlées ? A défaut d’apporter des réponses très précises à ces questions, la journaliste des Échos écrit : « la décision d’imposer la réparation des soudures se dessinait depuis plusieurs mois (…) : en octobre dernier, l’ASN avait invité EDF à engager dès à présent les actions préalables à la réparation des soudures concernées. » Cela suffit pour comprendre que 7 à 8 mois ont donc été perdus, au minimum, entre le moment où l’ASN a informé EDF du problème, et ce jeudi, jour où elle a « informé EDF que, compte tenu des nombreux écarts survenus lors de la réalisation des soudures de traversées, celles-ci devraient être réparées. » Le Figaro, citant « une source proche du dossier », va plus loin : « L’ASN a encouragé EDF a lui faire des propositions de non réparation, puis de réparation après la mise en service, pour finalement dire qu’il faut de toute façon réparer ! C’est 18 mois de perdus. » Même en se limitant à la version des Échos, la gabegie qui a sévi dans les relations entre l’ASN et la direction d’EDF va nous coûter une ruine. Car, évidemment, c’est notre pays et ses citoyens qui sont les victimes de ces erreurs de gestion. Les actions de la société EDF sont détenues à 83,7 % par l’État, à 13,1 % par des investisseurs institutionnels, et à 3,1 % par des particuliers, y compris des salariés d’EDF. Cette belle entreprise devrait normalement rapporter de beaux dividendes à Bercy, ce qui serait autant de moins à prélever sur le contribuable ou à se procurer par l’emprunt. Certes, avec des taux d’intérêt à 10 ans récemment devenus négatifs pour le Trésor, emprunter n’est pas une catastrophe, mais il s’agit d’une situation malsaine, dont la prolongation n’est pas à souhaiter. Cette malheureuse affaire paraît hélas assez dans l’air du temps. En haut lieu, on tergiverse, au lieu de trancher. Or, dans cette affaire comme dans bien d’autres, « le temps c’est de l’argent ». J’ai dénoncé la lenteur de notre réforme des retraites, parce que chaque mois de retard, c’est environ 200 millions d’euros fichus en l’air1. Je dénonce de la même manière ce qui se passe sous nos yeux pour EDF, non seulement parce que cela coûte cher aux Français, mais aussi parce que le contraste entre la mise en service au jour J de l’EPR chinois et la décennie de retard de son homologue de Flamanville est une gifle pour tout citoyen français. Quand sortirons-nous de cette déchéance ? 1 Une fois mis en place un régime unique, les frais de gestion de nos retraites seront presque divisés par deux, soit 2,5 milliards de moins à débourser chaque année. Powered By EmbedPress

“Prélèvement à la source : une réforme à abandonner de toute urgence”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot publié le 31/08/2018 sur ÉconomieMatin Prélever à la source les cotisations sociales est déjà une idée contestable, car elle aboutit à priver les salariés de la connaissance concrète, sensible, de ce qui leur est demandé au titre des assurances sociales. L’existence de cotisations dites « patronales », subsistance injustifiée de pratiques remontant au XIXème siècle, joue le même rôle néfaste : priver le citoyen d’un accès correct à la vérité économique. On ne le dira jamais assez : la dissimulation du prélèvement social supporté par les travailleurs, et donc du coût réel de la protection sociale, est inadmissible dans un pays qui se prétend démocratique. Nous sommes donc déjà dans une situation grave, qui mériterait que soit entreprise une réforme importante pour accéder à une véritable citoyenneté économique et sociale. Or voici que, non contents de conserver cet épais écran obscurantiste, nos dirigeants voulaient en rajouter un autre, en alignant le prélèvement fiscal sur les pratiques antidémocratiques qui ont cours en matière de prélèvement social. « Voulaient » : il serait tellement souhaitable que cet usage de l’imparfait soit justifié ! Il serait tellement bon pour la France que soit exact le titre utilisé par Les Échos de ce 30 août 2018 : « Les doutes gagnent l’Élysée sur le prélèvement à la source ». Celui-ci serait mauvais pour l’impôt sur le revenu (IR) comme il l’est pour les cotisations sociales, parce que l’anesthésie de la douleur liée au paiement, quand elle est pratiquée pour pouvoir en accroître les causes encore et encore sans que le malade-contribuable-cotisant s’en rende trop compte, est intrinsèquement perverse. Mais, s’agissant de l’IR, il existe des raisons supplémentaires pour refuser l’anesthésie. Certaines de ces raisons (complications pour les entreprises, particulièrement les TPE, et les autres employeurs, notamment les ménages) ont été largement développées dans les media, la cause est entendue, nous n’y reviendrons pas. En revanche, il faut insister sur le danger que présente le prélèvement à la source pour le caractère familial de l’IR. Quand le système du quotient familial (QF) a été adopté, à l’unanimité du Parlement – fait rarissime – dans le cadre de la loi de finances pour 1946, ce fut en connaissance de cause : il s’agissait de reconnaître la cellule familiale comme une entité, le plus petit des corps intermédiaires. La représentation nationale a, dans ces circonstances oh combien difficiles, compris que la France ne se redresserait, comme l’avaient dit Charles de Gaulle et quelques autres, que si la natalité reprenait de la vigueur ; or les enfants ne naissent pas dans les choux ! La famille est le lieu naturel de leur venue au monde et de leur éducation durant de longues années. La famille est donc, au même titre que l’entreprise ou la commune, un corps intermédiaire que l’Etat doit traiter comme tel, en la respectant. La formule de l’IR mise en place fin décembre 1945 était la traduction fiscale directe de ce respect de la cellule familiale. Le contribuable à l’IR n’est ni le père, ni la mère, ni l’enfant, mais la communauté qu’ils forment, liée non seulement par l’affection, mais aussi par la mise en commun des ressources et des efforts. Le gain professionnel d’un parent n’est pas son revenu à lui, mais une partie du revenu familial. En prélever une partie, c’est amputer aussi le niveau de vie de son conjoint et de ses enfants, qui ne se distinguent pas véritablement du sien – du moins dans une famille normalement unie. Le fisc a longtemps respecté l’institution familiale. Mais les sirènes de l’individualisme, manœuvrées par ceux qui voient la société comme un ensemble d’atomes isolés (les individus) et non pas comme un tissu de cellules (les ménages), n’ont pas tardées à mugir. Ces manieurs de sirènes ont affirmé, sans démonstration, mais en le répétant inlassablement, que le système du quotient familial (QF) a pour effet et pour but de procurer des réductions d’impôt à certains individus titulaires de revenus. Des organismes statistiques, y compris l’INSEE, se sont comportés comme des serviteurs de ce dogme, multipliant les calculs relatifs à cette imaginaire réduction d’impôt. Or, dès lors qu’un ectoplasme fait l’objet de statistiques, il est considéré comme existant : la magie du chiffre a donc accrédité l’idée saugrenue selon laquelle le QF serait un dispositif destiné à récompenser ou avantager les adultes ayant des enfants, et non pas une façon de réaliser l’objectif « à niveau de vie égal, taux d’imposition égal ». La retenue à la source de l’IR est un moyen puissant au service de cet individualisme fiscal. Prélever l’impôt sur les revenus de chacun des conjoints séparément est un excellent moyen pour séparer psychologiquement, pour les questions budgétaires, ceux que le maire a uni légalement. D’ailleurs, tout naturellement, une option est proposée : ne pas appliquer le même taux aux deux salaires, par exemple, qui rentrent dans les caisses du couple. Que nos dirigeants renoncent donc à un projet de réforme qui contribuerait à promouvoir encore un individualisme antifamilial dont notre société ne souffre déjà que trop. Le mécanisme de l’IR est bien rôdé, c’est une des rares institutions françaises qui ne requiert pas d’être réformée en profondeur : laissons donc tomber cette réforme inutile, héritage du président de la République ayant atteint à juste titre le plus bas des niveaux de popularité au sein de la population française ! Il y a assez de pain sur la planche, notamment si l’on veut enfin passer du traficotage incessant et stérile de nos assurances sociales à une véritable réforme de ce Capharnaüm, pour ne pas abimer, sous prétexte de le réformer, notre IR. Les réformes inutiles, comme on le sait, empêchent de réaliser les réformes nécessaires : passons aux choses sérieuses ! Powered By EmbedPress

“Peine de mort : questions iconoclastes”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot publié le 7 juillet 2018 sur ÉconomieMatin La loi abolissant la peine de mort en France fut promulguée le 9 octobre 1981. Le vote de cette loi fut l’un des actes symboliques accomplis par l’Union de la Gauche, après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République le 10 mai, et le second tour des législatives le 21 juin. Il existe cependant, dans une partie de la population française et de la Représentation nationale, le désir de la rétablir, puisque 27 propositions de loi allant dans ce sens ont été déposées au fil des ans. Au niveau international, les pays abolitionnistes sont fortement majoritaires en nombre, mais rassemblent un peu moins de la moitié de la population du globe. Les deux pays les plus peuplés, la Chine et l’Inde, et le plus puissant, les Etats-Unis, ont conservé cette institution. L’Union européenne, en revanche, l’interdit : Le Protocole n°13 de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) stipule que « La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine, ni exécuté. » Et ce protocole emphatise en ajoutant : « Aucune dérogation n’est autorisée. Aucune réserve n’est admise ». Pour sa part, la Commission a rappelé à diverses reprises que « l’abolition de la peine de mort est une condition et un préalable pour rejoindre l’Union européenne. » Cet absolutisme des bons sentiments offre un contraste frappant avec ce qui se passe en cas de guerre, en matière d’avortement, pour le recours à l’euthanasie, pour la mort de nombreuses personnes faute de budget et de structures permettant de les sauver (pensons notamment aux victimes de maladie rares), et dans de nombreuses circonstances de la vie civile. Beaucoup d’êtres humains sont de facto condamnés à mort parce que la guerre propre est impossible, ou parce que les budgets qui permettraient de sauver des vies menacées sont insuffisants. Un vif contraste existe entre les sommes colossales qui sont dépensées pour faire vivre un criminel derrière les barreaux au lieu de l’envoyer « dans un monde meilleur », et la parcimonie, pour ne pas dire la ladrerie, dont nous faisons preuve pour offrir à une femme enceinte en détresse une autre solution que l’IVG ou pour développer les traitements qui offriraient un espoir à des adolescents atteints d’une maladie neurologique actuellement incurable. La question se pose donc de savoir si l’interdiction absolue de la peine de mort décidée par un tribunal (cette formulation est lourde, mais nécessaire, puisque mettre fin à une vie peut être décidé par bien d’autres instances ou acteurs) ne serait pas une mesure déraisonnable imposée par une mentalité irrationnelle ayant oublié la sagesse que reflète une phrase de Pascal dans ses Pensées : « L’homme n’est ni ange, ni bête, et le malheur veut que qui veut fait l’ange fait la bête ». La guerre, permis de tuer … y compris des civils innocents Les hommes politiques et les chefs militaires qui donnent le feu vert pour mener telle ou telle opération, même s’il s’agit de frappes dites « chirurgicales », condamnent à mort des civils, les inévitables « victimes collatérales », qui n’ont pas de responsabilité directe dans le conflit ni dans les atrocités commises, par exemple, par des criminels tels que les djihadistes. Sur le terrain, on tue donc des innocents, ou même des victimes, qui ont la malchance de se trouver là, ou qui ont été pris pour servir de « bouclier humain » à des terroristes. Au niveau militaire, le droit existe donc de prononcer des peines capitales qui ne sont pas nominatives ni limitatives, mais qui sont tout-à-fait effectives et rapidement mises en œuvre. L’incarcération ne met pas un terme aux activités nuisibles A cela certains rétorqueront qu’éliminer de dangereux ennemis n’est pas la même chose que d’envoyer à la guillotine ou à la chaise électrique une personne rendue inoffensive par son incarcération. Mais l’emprisonnement suffit-il à rendre inoffensifs les pires criminels ? L’expérience montre que non. A l’intérieur du « lieu de privation de liberté », ou par contact avec des complices toujours en liberté, certains continuent à nuire de façon très efficace. Les mieux organisés et les plus puissants peuvent en effet agir, par séides interposés, à l’extérieur : les exemples abondent de malfrats ou de terroristes qui donnent des instructions à leurs complices depuis leur cellule ou telle autre partie des locaux pénitentiaires. Quant aux nuisances générées à l’intérieur de la centrale, elles sont nombreuses, et les média s’en font d’ailleurs l’écho de temps à autre. Les violences sont quotidiennes dans les locaux où sont incarcérés des condamnés à de longues peines, et le travail des gardiens est extrêmement éprouvant du fait de certains de leurs « pensionnaires ». De plus, les risques d’évasion ne sont pas négligeables, et certains prisonniers, criminels endurcis, excellent dans l’art d’entraîner à leur suite dans la voie de la délinquance dure ou du terrorisme certains de leurs compagnons de détention : le prosélytisme en faveur du mal peut fonctionner de façon particulièrement efficace dans cet espace confiné. Les criminels endurcis doivent-ils faire l’objet d’attentions refusées aux enfants martyrs ? Un article consacré à la maison centrale de Vendin-le-Vieil (Le Figaro du 14 mai 2018) expliquait que l’on avait mobilisé dans un des quartiers de cette prison 40 personnes pour voir s’il ne serait pas possible de ramener à de meilleurs sentiments une dizaine de terroristes. Pendant ce temps, des centaines d’enfants victimes de violences physiques ou sexuelles sont laissés entre les mains de leurs prédateurs parce que la justice et les services de prévention n’ont pas assez de personnel, ou ne sont pas suffisamment bien organisés, pour décider rapidement de les mettre en lieu sûr. Tout n’est pas possible, parce que les moyens sont limités : faut-il faire peser le poids de cette limitation sur de malheureuses victimes de façon à pouvoir dégager des moyens extraordinaires en faveur d’auteurs de crimes odieux ? Certes, dans l’Evangile, le bon pasteur laisse son troupeau se débrouiller pendant qu’il part à la recherche d’une brebis perdue, mais ce n’est pas pour aller sauver un loup tombé dans un précipice ! Dans une prison de long séjour … Lire la suite

Rentrée budgétaire : Emmanuel Macron pourra-t-il vraiment tenir sa promesse de suppression de 50 000 postes de fonctionnaires ? Interview de Jacques Bichot et François Écalle.

Avec la baisse de la croissance, le gouvernement va devoir faire face à ses promesses de réduction des déficits, notamment autour de la question de la réduction de 50 000 fonctionnaires. Choix cornélien. Interview de Jacques Bichot et François Écalle publié sur Atlantico le 22 août 2018. Télécharger la version pdf. Atlantico : Dans un environnement contraint par la baisse de la croissance, le gouvernement va devoir faire face à ses promesses de réduction des déficits pour les prochaines années du quinquennat, notamment autour de la promesse faite de réduire le nombre de fonctionnaires – soit 50 000 sur l’ensemble du quinquennat. Après une la suppression de 1 600 postes pour cette année 2018, comment le gouvernement peut-il parvenir à tenir sa promesse ?François Écalle : Le Gouvernement s’est donné des objectifs modérés de réduction du déficit public, parce qu’il prévoit une réduction substantielle des prélèvements obligatoires, mais il faut néanmoins fortement réduire le rythme de croissance des dépenses publiques pour les atteindre : après avoir été de 2,2 % par an dans les années 2000 en volume (corrigé de l’inflation) et de 0,8 % dans les années 2010-2017, ce rythme de croissance doit être ramené à 0,35 % sur la période 2018-2022. La baisse des effectifs de fonctionnaires devrait constituer une part importante des économies requises pour obtenir ce résultat. Le Gouvernement a ainsi annoncé la suppression de 50 000 postes dans les services de l’État, ou dans ses établissements publics, et de 70 000 postes dans les collectivités locales. Le gain budgétaire en 2022 serait alors de 1,6 Md € pour l’État et de 1,8 Md € pour les collectivités locales. S’agissant de l’État et de ses opérateurs, 1 600 postes ont été supprimés dans la loi de finances pour 2018 et il faudrait donc porter ce chiffre à 12 000 par an dans les quatre années suivantes du quinquennat. Les effectifs de la fonction publique d’État sont de 2,4 millions, y compris ceux affectés à ses établissements publics (ses « opérateurs »). Les réduire de 12 000 par an sans diminuer le volume des services rendus revient à réaliser des gains de productivité annuels de 0,5 %, ce qui est tout à fait possible. Ce n’est cependant pas clairement compatible avec les orientations déjà prises par le Gouvernement dans certains domaines. Jacques Bichot : Les promesses ou projets de réduction du nombre de fonctionnaires constituent une façon déplorable d’aborder un vrai problème. Quel est ce vrai problème ? L’inadéquation entre les effectifs employés par l’État, les collectivités territoriales et les hôpitaux, d’une part, et les services effectivement rendus par ces organismes. Dans une administration et même dans un hôpital, la question présente à l’esprit du ou des responsables devrait être : pouvons-nous assurer un meilleur service en y consacrant moins de temps et moins d’argent ? Qu’un officiel, homme politique ou haut fonctionnaire, considère comme une réussite d’avoir diminué de 1 600 en un an le nombre des postes des administrations publiques est tout simplement le signe que cette personne n’est pas à sa place, parce qu’elle n’a rien compris au problème et se contente d’agiter des chiffres pour faire sérieux. La réussite, ce serait par exemple d’avoir 20 % d’élèves en plus par enseignant et 40 % en plus par membre de l’administration scolaire, avec en même temps une belle remontée dans le classement PISA, c’est-à-dire une forte progression du niveau de nos jeunes. La réussite, ce serait d’avoir, à nombre de magistrats inchangé, une réduction de moitié des délais dans lesquels les affaires sont jugées. La réussite, ce serait que les élus locaux n’augmentent pas le nombre de leurs fonctionnaires et autres salariés parce que le taux d’absentéisme est très élevé. Etc., etc. Nos gouvernants sont hélas persuadés que le budget est l’instrument de gestion par excellence – ou, du moins, agissent-ils comme s’ils avaient cette conviction ridicule. Les économies de gestion ne se font pas en changeant des chiffres dans des lois de finances ; elles se font sur le terrain, en détectant les bons managers et en leur confiant des responsabilités importantes, et en envoyant les médiocres se recycler. La sous-productivité de notre administration est dramatique, parfois parce que beaucoup d’agents se la coulent douce, parfois parce qu’ils sont mal dirigés, parfois parce que le travail qui leur est demandé est stupide, mal conçu, inutile, voire même nuisible. Souvent aussi les procédures sont telles qu’il faut consacrer un quart d’heure à ce qui ne devrait pas prendre plus de cinq minutes. Que les fonctionnaires qui rédigent les millions de lignes de nos codes, circulaires et autres instructions se voient fixer comme objectif prioritaire de réduire cette littérature insipide qui ligote la France comme Gulliver était immobilisé par les liens minuscules des Lilliputiens, et notre pays repartira de l’avant : notre administration en fera plus pour les citoyens avec moins de moyens, et l’équilibre des finances publiques se rapprochera rapidement. Quelles sont les fonctions publiques à cibler en priorité, et à l’intérieur de celles-ci, quels sont les postes qui pourraient être supprimés ?François Écalle : L’éducation nationale et les universités occupent plus de la moitié des agents de l’État et de ses opérateurs. Or les réformes annoncées, comme l’augmentation de la taille des classes dans les zones rurales, ne vont pas dans le sens d’une réduction de ses effectifs. Le ministère de l’intérieur représente 15 % des emplois budgétaires et plusieurs milliers de créations de postes sont prévues dans les forces de l’ordre. Même si des suppressions d’emplois y sont possibles ailleurs, comme dans les sous-préfectures, les effectifs n’y baisseront pas globalement. La Défense représente 14 % des emplois et la loi de programmation militaire prévoit la création de de 2 000 postes entre 2017 et 2022. Le ministère de la justice représente 4 % des effectifs de l’État et le projet de loi de programmation prévoit plus de 6 000 créations de postes. Pour réduire globalement les effectifs de 12 000 par an tout en les augmentant dans ces ministères, il faudrait les réduire de bien plus que 12 000 dans des administrations qui … Lire la suite