La prochaine crise financière ? Pas d’impatience : ça se prépare !

Ajoutez votre titre ici La dernière crise, dix ans déjà ! A quand la prochaine ?       La question est suffisamment présente pour nous convaincre que la pleine confiance n’est pas rétablie. Et notamment du fait du poids de la dette. Toute la planète croule sous le poids de la dette : partout le ratio de la dette rapportée au PNB dépasse nettement le niveau de 2007 ; tout pays, tous emprunteurs (particuliers, entreprises, Etats).       Pourtant nous avait-on dit, la crise de 2008 était la dernière : des mesures drastiques devaient être prises pour éviter ce genre d’aventure à l’avenir. En un sens c’est vrai. En particulier l’appareil des règles s’appliquant aux banques et à un moindre degré aux marchés a été réellement durci, et pas de peu : à activité équivalente, les banques ont plus que doublé leurs fonds propres (qui fonctionnent comme un matelas de sécurité). Ce qui veut dire que là où pour prêter 100 (encours pondérés) elles avaient souvent 4 de capital, elles sont maintenant au-delà de 10. Dit autrement, elles sont toutes choses égales par ailleurs un peu moins endettées qu’avant – contrairement aux autres acteurs de l’économie. S’y ajoutent des mesures multiples et complexes renforçant leur capacité et celle des marchés à résister aux chocs. L’ensemble de ces mesures est en train d’être finalisé. De ce point de vue, un travail réel a été fait. Alors pourquoi l’inquiétude ?       Un premier signal inquiétant nous vient de l’autre grand jeu de mesures mises en place après la crise : les interventions massives des banques centrales. L’idée de départ était bonne : soutenir le plus possible l’activité au moment de la crise. Mais cela fait dix ans que cela dure. C’est qu’un autre facteur est intervenu : la peur panique de la déflation ou baisse des prix. C’est l’idée qu’une fois qu’on est installé en déflation on n’en sort plus, car les gens dépensent beaucoup moins puisque leur argent s’apprécie avec le temps. Au nom de cela les banques centrales déversent depuis dix ans des quantités massives de liquidité pour faire baisser les taux d’intérêt et réanimer l’inflation.  Sans énorme succès, car l’inflation est freinée par la mondialisation.       Pourquoi est-ce inquiétant ? Parce que l’argent déversé va à quelque part. S’il ne nourrit pas l’inflation sur les marchandises, il va sur les marchés financiers et immobiliers et fait artificiellement monter les prix au-delà du raisonnable, et on investit dans n’importe quoi pour avoir du rendement (qu’on n’a plus sur les produits sûrs puisque les taux sont déprimés). C’est ce qu’on appelle une bulle. Quand une bulle éclate, on a une crise.       En outre l’essentiel de cet argent finance la croissance de la dette. Tout le monde s’endette, vu que les taux sont si bas. Même la Chine, qui a réagi à la crise comme les Occidentaux : par un endettement intérieur colossal et très dangereux (avec une petite différence quand même : l’Etat chinois lui n’est pas endetté envers l’étranger). Or la dette est l’instrument principal de propagation des grandes crises. Pour une raison simple : si j’investis mon propre argent, que les marchés baissent ou que je fais des pertes, je suis simplement moins riche. Si j’investis de l’argent que j’ai emprunté, je ne peux plus rembourser ; je fais faillite, et je répercute la crise sur mon créancier. Si tout le monde prête à tout le monde de façon excessive, les crises se répandent à toute vitesse et deviennent comme on dit systémiques. En outre si comme on l’a vu on a renforcé les banques, elles restent quand même exposées : environ 90% de leur bilan est fait de fonds empruntés. De plus, on a constaté le développement énorme de ce qu’on appelle banque de l’ombre : des sociétés qui ont une fonction proche de celles des banques mais qui ne sont pas soumises à leur réglementation et à leur supervision.       Et donc le risque d’une grande crise est bien réel. Où démarrerait-elle ? Par construction on ne le sait pas, car les gens éviteraient les opérations correspondantes. Presque toujours d’ailleurs une grande crise part d’un secteur jugé à tort sûr, comme les produits toxiques de 2007 qui avaient une si bonne notation financière. Que pourraient faire les pouvoir publics ? Essentiellement comme en 2008, faire marcher la planche à billet et inonder le marché de liquidités. Cela marchera-t-il ? Peut-être, mais à un niveau de risque bien plus élevé. Car cela fait dix ans maintenant qu’on déverse ces liquidités. Cela ne peut évidemment pas durer indéfiniment. Avec deux grands dangers : l’un, que l’inflation démarre pour de bon, les liquidités emportant tout sur leur passage ; l’autre, que la confiance dans nos monnaies finisse par s’éroder – car elles ne reposent sur aucune réalité autre que la confiance qu’on leur porte Sans compter les risques internationaux (mesures unilatérales, rétorsions etc.).       Et donc il faudrait faire un effort pour être plus vertueux. Ne plus s’endetter. Surveiller la banque de l’ombre. Et surtout, compartimenter les marchés : ne pas laisser l’argent circuler librement partout, contrôler un minimum son espace. Etc. Mais pas de démagogie (populiste), qui ne ferait qu’accélérer la dérive : ceux qui selon une vision fausse du passé recommandent la planche à billet nous poussent sur la planche savonnée. On pourrait aussi sortir de l’euro, même si c’est difficile, mais pas pour être plus laxiste encore, tout au contraire.       Le problème est que nous sommes habitués à toutes ces drogues. En sortir suppose donc un réel effort. Ce qui veut dire que nos équilibres socio-politiques en dépendent. Dit autrement, que la sortie de cette situation se fasse par retour à la vertu politique, ou qu’elle résulte d’une nouvelle crise à la suite de quoi on pourrait repartir sur de nouvelles bases, elle implique des mutations politiques profondes.  

L’entreprise et ses propriétaires

Par Pierre de Lauzun L’actionnaire et ses devoirs Dans la perspective de la pensée classique, et pour la Doctrine sociale de l’Eglise, l’entreprise est une communauté partielle, et ne se réduit pas au rôle de pur instrument entre les mains de ses actionnaires. Elle a une raison d’être, qui s’inscrit dans la perspective du bien commun. En outre, elle a une personnalité propre et constitue une entité originale, comportant de nombreuses parties prenantes au-delà des actionnaires (salariés d’abord, fournisseurs, clients, communautés locales ou nationales etc.).   Par ailleurs, la Doctrine sociale de l’Eglise défend la propriété privée comme plongement et fruit de l’action de l’homme dans la matière et par là dans la vie économie, et moyen indispensable de sa liberté et de sa pleine réalisation dans son travail et son esprit d’entreprise. Mais en même temps, elle subordonne cette propriété à ce qu’elle appelle destination universelle des biens. Le propriétaire est libre et responsable, mais il doit utiliser ses biens au service du bien commun. Il est dès lors essentiel de déterminer à qui appartiennent les entreprises, et donc qui en est responsable. Or la très grande majorité des entreprises sont organisées en sociétés commerciales ; et dans ce cas la réponse naturelle, celle que donne nos systèmes de droit, est simple : les actionnaires sont juridiquement les propriétaires de la société, et donc de l’entreprise qui n’a pas d’existence légale en dehors de cette société ; ils peuvent dès lors déterminer l’orientation et le sort de l’entreprise, y compris la vendre. Ces actionnaires ont dès lors une responsabilité éthique et sociale, qui est de gérer ce bien dans le sens du bien commun.   Mais cette situation fait l’objet de critiques nombreuses. Et notamment, dans la conception économique courante, ces actionnaires sont censés ne regarder que leurs intérêts. Comme sortir de ce dilemme ?   Entreprise et société commerciale : la critique   Une première ligne de critique consiste à contester l’idée même de la propriété de l’entreprise par les actionnaires. Ce courant d’idées est très présent au sein de l’Eglise ; ainsi avec Olivier Favereau et Baudouin Roger, qui travaillent ce sujet publié sous les auspices des Bernardins et ont exposé leurs idées dans un livre récent. Ils posent une distinction majeure entre ‘l’entreprise’ (dont ils disent qu’actuellement elle n’est pas reconnue juridiquement) et la société commerciale. Les actionnaires ne seraient propriétaires que de la seconde. Le fonctionnement des firmes aurait ainsi un biais anti-démocratique, car la société (commerciale) pilote seule une ‘entreprise’ dont le périmètre ou les perspectives sont plus larges.   Un point de critique essentiel est la financiarisation. On sait que dans le monde anglosaxon, au moins jusqu’à récemment, les administrateurs sont supposés prendre essentiellement en compte les intérêts financiers des actionnaires (c’est un peu moins net ailleurs, y compris en droit français). Ce qu’on appelle la « théorie de l’agence » vise à aligner le plus possible l’action des administrateurs et des dirigeants sur les vues ou intérêts des actionnaires. D’où des dispositifs comme les stock-options, ou l’indexation des parts variables de rémunération sur les cours de bourse etc. Le risque est alors que les entreprises soient comprises comme des actifs gérés du seul point de vue financier. La critique vise particulièrement le cas des entreprises cotées en bourse, notamment si l’actionnariat est dispersé et volatil. On sait évidemment que le risque n’est pas théorique.   Certes, on reconnaît l’utilité de l’appel au marché pour la fourniture de capital. Et le fait est que par sa liquidité, le marché donne accès à des masses de capitaux impossibles à obtenir sans lui. Mais poursuivent les critiques, d’une part le capital ne provient que partiellement du marché. D’autre part et surtout, le marché devient le moyen de tourner la caractéristique principale de l’actionnariat : l’engagement à risque dans l’entreprise sur la longue durée, puisque les actionnaires peuvent vendre leurs titres à tout moment. En un sens donc, le marché boursier est devenu trop souvent le lieu du refus de l’engagement. D’où son court-termisme et la déformation que cela imprime au fonctionnement des entreprises, obsédées par le seul résultat financier observé instantanément. En outre évidemment, dans ce contexte, toute idée de responsabilité sociale des entreprises sera rejetée si elle est coûteuse pour les actionnaires.   D’où la remise en question du principe même de l’actionnaire propriétaire, ou du moins la volonté de restreindre ses droits comme tel, considérant que les actionnaires sont propriétaires de la société commerciale, et pas de l’entreprise. On y ajoute alors l’idée qu’il faut assurer une meilleure représentation des parties prenantes, dans le cadre juridiquement reconnu de ‘l’entreprise’ ; et modifier le rapport des pouvoirs en son sein : le conseil d’administration doit refléter son caractère collectif, et notamment s’ouvrir aux salariés et autres parties prenantes. L’idée est au fond que l’entreprise est une sorte de collectivité, qui soit s’inspirer du droit public Dans la voie préconisée par ce courant, le chef d’entreprise serait choisi par l’ensemble des parties prenantes et ressemblerait au chef de l’exécutif dans une constitution démocratique. Au minimum, il faudrait une codétermination à l’allemande. Certains encore, comme Swann Bommier et sœur Cécile Renouard , vont encore plus loin, et veulent considérer l’entreprise comme des ‘communs’, à gérer collectivement comme autrefois les pâturages ou les zones de pêche. Comme personne morale, elle n’est alors détenue par personne, mais définie par l’Etat.   Les modèles multiples d’entreprise   Que dire de ces analyses ? Curieusement, pour des chrétiens, catholiques de surcroît, elles ne se placent pas dans le cadre de la problématique de la propriété au sens de la Doctrine sociale, ce qui aurait conduit à rechercher et à définir les devoirs du propriétaire. C’est d’autant plus curieux que dans la réalité, le propriétaire d’une société anonyme étant sans le moindre doute l’actionnaire, il en a donc la pleine responsabilité morale pour la DSE, et derrière elle, évidemment, celle de l’entreprise. La Doctrine sociale parle d’ailleurs régulièrement des ‘propriétaires’ de l’entreprise, visant par-là les actionnaires. Ce sont ces propriétaires qui choisissent les dirigeants, la stratégie, l’activité, et peuvent la réorienter, la … Lire la suite

L’argent et sa fascination

Par Pierre de Lauzun Il y a un mystère de l’argent. Voilà quelque chose qui n’a pas de valeur en soi, qui est même une pure convention sociale, et qui non seulement domine nos sociétés, mais fascine beaucoup d’entre nous. En même temps, on ne peut pas s’en passer. Comment le remettre à sa juste place ? Il y a un mystère de l’argent. Voilà quelque chose qui n’a pas de valeur en soi, qui est même une pure convention sociale, et qui non seulement domine nos sociétés, mais fascine beaucoup d’entre nous. En même temps, on ne peut pas s’en passer. Comment alors le remettre à sa juste place ?  Les Évangiles parlent beaucoup de l’argent. Et pas seulement en mal. Dans la parabole des talents (Mt 25, 14-30), le maître s’en prend vertement au serviteur qui n’a pas su faire fructifier l’argent qui lui avait été confié. L’argent ne doit pas dormir ! Jésus va encore plus loin dans la parabole de l’intendant malhonnête (Lc 16, 1-8) : pour s’assurer une vie après son renvoi, ce dernier vole encore plus son maître, et pourtant celui-ci fait l’éloge de ses ruses : pas de sa malhonnêteté, mais de son intelligence dans ces affaires d’argent. Et pourtant c’est le même texte qui met face à face Dieu et l’Argent : « nul ne peut servir deux maîtres, Dieu et l’Argent, car il aimera l’un et pas l’autre, il méprisera l’un et pas l’autre » (Mt 6, 24). Plus largement, en face de l’argent périssable et de toute la réalité matérielle qu’il résume, Jésus en appelle à l’infini de la vie éternelle, qui est impérissable. C’est en vue de cette richesse-là que tous nos efforts doivent se déployer, sans se laisser fasciner par celle de ce monde : « malheur à vous les riches car vous avez votre consolation » (Lc 6, 24). En définitive, il faut utiliser l’argent, mais à bon escient. C’est le conseil final de la parabole de l’intendant malhonnête : « faites-vous des amis avec le malhonnête argent, afin qu’au jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous accueillent dans les tentes éternelles » (Lc 16, 9). L’argent n’est qu’un moyen. Notamment pour la vie éternelle, qui commence avec la charité. Mais si on se laisse prendre par lui, si on se laisse fasciner, on peut perdre l’essentiel. Qu’est-ce qui donne un tel pouvoir à l’argent ? L’argent est l’instrument commun de mesure des échanges. Il a été conçu pour être la représentation universelle, neutre, de toute valeur économique. Mais rien ne le fonde, surtout depuis qu’il n’a plus de lien avec les métaux précieux ; il n’a aucune valeur intrinsèque. C’est une pure convention sociale, qui pourrait se réduire à rien en un instant. Mais comment une pure convention peut-elle avoir un tel rôle dans la société ? Comment quelque chose qui est supposé tirer sa valeur de sa neutralité peut-il être aussi désiré, aussi fascinant ? Parce qu’il paraît donner accès à tout ? Par ailleurs, surtout à notre époque, il permet à certains de se sentir libres parce que dégagés du poids des relations humaines : je paye, donc je suis quitte. Mais pour d’autres, au contraire, c’est un facteur majeur de déshumanisation, réduisant tout à sa valeur économique. Comment le même instrument peut-il ainsi produire des effets perçus de façon si opposée ? La réponse est dans ce choix radical : Dieu ou Mammon. En position centrale, apte à évaluer tout ce qui existe et à y donner accès, l’argent peut se dresser face à Dieu. Mais alors que Dieu est plénitude d’Être et d’Amour, c’est par son indétermination, donc son néant, que l’argent occupe une place centrale. Il peut susciter le mirage d’une liberté totale, en figure inverse de l’humilité de l’homme devant son Créateur. Nous avons donc là d’une certaine façon un choix essentiel entre Être et néant. Le mystère de l’argent, c’est au fond le paradoxe de voir cet instrument sans valeur intrinsèque exercer sur les hommes un pouvoir de fascination qui le met en vis-à-vis de Dieu. D’où l’avertissement évangélique : ne le choisissez pas comme votre maître, mais utilisez-le pour préparer la vie en Dieu, la vie éternelle. Prendre conscience de ce rôle subordonné et éphémère de l’argent, c’est préparer notre libération.  La question est particulièrement aiguë aujourd’hui. Dans nos sociétés relativistes, sans valeur commune, sans absolu, c’est l’argent qui permet souvent seul d’arbitrer entre les désirs des uns et des autres. D’où son rôle désormais central. Car si dans une société on pense que le seul absolu est la relativité des choses, le débat public ne porte plus sur la valeur réelle des êtres, mais on a quand même besoin d’un instrument commun d’évaluation. C’est l’argent qui le fournit. Pas besoin d’aller au fond des choses, pas besoin de relation humaine, souvent même pas de se parler : un chiffre suffit, le prix. A sa façon, il se substitue au lien social. Grâce à lui, on peut dans les faits procéder au dépassement des valeurs sociales et morales, au profit de la prétendue liberté individuelle devenue un absolu. Mais si comme dit le message évangélique le lien entre les hommes est un reflet de l’Amour divin, choisir l’argent ainsi compris, c’est détruire ce lien, et par là l’image de Dieu, et la personne elle-même. C’est opter pour le néant. En même temps, selon la leçon évangélique, l’argent n’est pas condamnable en soi, mais il faut le mettre à sa place. Ce qui suppose d’abord de se libérer de cette fascination et de restaurer nos justes liens avec ce qui nous entoure. Cet argent, il faut donc l’utiliser, le mobiliser car il est inutile sinon ; il est fait pour circuler. En un sens encore, il n’existe qu’en s’effaçant aussitôt, parce qu’on le fait servir. Notamment en donnant.  Toutes ces questions, et d’autres, sont évoquées dans mon dernier livre : L’Argent, maître ou serviteur ? Chez Mame.

Taux d’intérêt négatifs : essai d’évaluation morale

Par Pierre de Lauzun L’existence de taux d’intérêts négatifs, surtout de façon prolongée, heurte le bon sens spontané. Comment donc de l’argent prêté pourrait-il être rendu en diminuant la somme ? Au-delà de cette logique, se pose la question de l’évaluation éthique de la pratique. Pour cela il faut d’abord voir ce dont on parle.   Pourquoi un taux d’intérêt ? Le taux d’intérêt est censé représenter la rémunération du service rendu par le prêteur qui se défait d’un somme d’argent pour un certain temps en la confiant à un emprunteur qui est censé la rendre à la fin de la période. Cette rémunération couvre cependant plusieurs réalités. Il est intéressant de les examiner à la lumière du débat ancien et fourni sur le taux d’intérêt, appelé alors usure. Il y a d’abord et surtout l’usage alternatif possible de la somme, et notamment l’investissement, en fonds propres ou en immobilier locatif[1]. On sait que l’Église lorsqu’elle prohibait le taux d’intérêt admettait des exceptions, dont ce qu’on appelait le lucrum cessans : le cas d’un professionnel, en général d’un commerçant au sens large, qui distrayait une somme de ses actifs pour la prêter, somme qui utilisée professionnellement aurait contribué à lui faire obtenir un certain gain, lui-même légitime. On admettait alors un certain intérêt. Or à l’époque actuelle on peut considérer qu’il y a une forme de lucrum cessans généralisé, compte tenu des possibilités d’investissement acceptables par ailleurs offertes, ce qui rend un certain taux d’intérêt légitime. À cela peuvent s’ajouter d’autres considérations, comme le prix du temps : le fait qu’il est plus intéressant de disposer d’un bien tout de suite que dans l’avenir. À l’époque l’Église ne le reconnaissait pas comme motif valable pour une rémunération ou un dédommagement. Cela dit, on pourrait le mettre sous le terme de damnum emergens, qui était alors accepté, et qui est le dédommagement dû pour un inconvénient subi par le prêteur du fait même du prêt. Reste alors à l’évaluer. Pour cela, la considération de ce qu’aurait pu produire l’argent s’il était investi est sans doute à nouveau une bonne référence morale : qu’est-ce que mon argent aurait pu contribuer à créer ? Sachant qu’il convient cependant de le préciser, car de l’argent mis de côté et recherchant une certaine sécurité n’est pas a priori placé dans les mêmes conditions que celui inséré dans un processus productif à risque. J’y reviendrai. Un autre critère alors également accepté était le periculum sortis, qui répond à un autre problème, à savoir la couverture du risque que l’emprunteur ne rembourse pas – évalué en général sur base statistique. Nous considérerons dès lors ci-après qu’il est en soi légitime qu’il y ait une rémunération ‘raisonnable’ d’un prêt, sur la base de ces différents critères de justification, mais à préciser.   Les taux négatifs En bonne logique les motivations ci-dessus conduisent à un taux d’intérêt positif, et tout au plus nul. Comment peut-il devenir négatif ? Sans entrer dans le détail technique, deux cas sont à distinguer. Le premier est celui de la déflation, de la baisse des prix (sur une durée suffisante). Car s’il y a déflation le pouvoir d’achat de la monnaie augmente avec le temps ; et donc si j’emprunte 100 € à Paul et que je lui rends 98 deux ans après, mais que les prix ont baissé de 4 %, ce que je lui rends aura un pouvoir d’achat comparable à 102 aujourd’hui . En termes réels on peut donc considérer que je lui ai payé 2% d’intérêt. Bien entendu dans un monde déflationniste un problème est posé par l’argent liquide, qui s’apprécie tout seul, ce qui pousse les gens à le thésauriser.  Dans le cas des espèces, c’est limité par le coût du stockage et le risque de vol. Dans le cas des comptes bancaires, cela justifierait le prélèvement par la banque d’un intérêt négatif par ponction sur la durée, même si cela choque les gens. Dit autrement, s’il y a déflation il faut raisonner algébriquement. Ou encore, ne considérer que le taux d’intérêt réel : taux nominal corrigé par l’inflation ou la déflation.  C’est ce qu’a connu le Japon. Mais ce n’est pas la situation actuelle en Europe, car l’inflation y est légèrement positive[2]. Nos taux d’intérêts réels sont donc négatifs. Pourquoi ? Principalement parce que les banques centrales interviennent massivement sur les taux pour les faire baisser (notamment par achat de titres pour le long terme – le marché financier, et fixation de taux d’intervention pour le court terme – le marché monétaire). L’objectif est le soutien à l’activité et la relance d’une inflation supposée modérée (objectif fixé à 2%). Accessoirement, cela résulte en partie aussi du fait de la masse énorme d’épargne mondiale, ainsi que des principes ou règles régissant l’action des gestionnaires de fonds au vu des risques relatifs des différentes formes d’investissement, ce qui en canalise une part appréciable vers ceux supposés moins risqués, emprunts d’État en premier lieu. Nous n’examinerons pas ici le bien-fondé ou les risques de ces politiques – notamment celui de générer des bulles sur le prix des actifs. Mais le résultat clair en est en tout cas des taux d’intérêts nominaux négatifs. Si cela durait cela signifierait une perte de valeur des actifs des épargnants investis en produits de taux ; une baisse de rentabilité des banques ; une perte de l’attrait des placements type assurance-vie, et un report vers des placements plus risqués. Comment l’apprécier éthiquement ?  Nous avons évoqué les taux d’intérêt réel à propos de la déflation. Mais en cas d’inflation même modérée, l’argent perd de la valeur dans le temps (les taux réels sont négatifs). Si je prête 100 et qu’on me rend 100 dans 4 ans après, mais après 6 % d’inflation cumulée, ce que je reçois en vaut en réalité 94 ; je suis donc manifestement lésé si l’intérêt est nul. Même nos docteurs médiévaux hostiles au taux d’intérêt auraient probablement admis alors la nécessité au moins d’une compensation de l’inflation (comme cas de damnum emergens). Ils auraient d’ailleurs condamné vigoureusement l’objectif d’une inflation même légère, considérant que c’était miner … Lire la suite

La famille, trou noir de la science économique

par Pierre de Lauzun Article publié le 11 décembre 2018 sur France-Catholique.fr Il n’est pas sûr que la science économique soit complètement une science. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle fait de redoutables impasses. Qui ont l’air anodines au niveau des manuels universitaires, mais qui impactent dangereusement notre perception de la réalité et nos choix. La plus grosse de ces impasses, c’est la famille. Communauté de base de la société, la famille assure gratuitement des prestations vitales pour cette société : outre la solidarité et les services mutuels de ses membres, c’est le lieu de la naissance et de l’éducation des enfants, donc en termes matérialistes de la reproduction de la société, l’endroit où se fait l’investissement le plus vital pour elle. Or ce travail essentiel n’est comptabilisé nulle part.  Pourquoi ? Parce que toutes les mesures d’activité économique sont basées exclusivement sur ce qui fait l’objet d’un paiement en argent. Toutes les transactions marchandes bien sûr, mais aussi tout ce qui est lié à la puissance publique, impôts et prestations. Mais ce qui est donné ou échangé sans dimension monétaire n’est pas enregistré, donc pas analysé. Tout se passe comme si cela n’existait pas.  Or comme on l’a dit c’est vital, non seulement pour la vie commune, mais pour la vie économique en particulier, même au sens étroit dominant. Il y a donc une énorme faille dans l’analyse et donc dans la réalité des décisions. C’est ce qui fait par exemple qu’un célibataire qui épouse sa femme de ménage fait baisser le PNB, puisque la transaction marchande est remplacée par une prestation non rémunérée matériellement. Alors même que le service est le même, voire meilleur. Ou que le temps passé à éduquer des enfants soit compté pour zéro, car on ne compte que les dépenses extérieures qu’ils occasionnent, nourriture, logement et autres. Au même niveau que des animaux de compagnie. Remplacez vos enfants par des chats, vous ne changerez pas grand-chose économiquement. Pourtant à terme vous détruirez l’économie. Mais aucun indicateur ne vous le dira.  Résultat, la gigantesque dégradation collective qu’implique l’effondrement actuel de la natalité occidentale, l’absentéisme des parents, voire le relâchement de leur souci éducatif n’est enregistrée nulle part. Pire, elle permet l’augmentation du PNB, si les parents en profitent pour dépenser plus ailleurs, et surtout pour gagner plus. Les statistiques diront qu’il y a un progrès, alors qu’en termes de prestations réelles, il y aura régression, éventuellement mortelle.  L’impasse va même plus loin, car l’unité de base économique réelle n’est pas l’individu, mais la famille. Les gens prennent leurs décisions de dépense et d’investissement dans ce cadre. C’est donc là que la science économique devrait examiner leur comportement. C’est aussi ce cadre-là qui devrait être pris en compte dans les entreprises.  Faut-il verser un salaire aux mères de famille ? On peut en discuter. Cela aurait l’avantage de souligner leur apport réel, qui est massif. En même temps la question va bien au-delà. Car ce salaire, qui serait en pratique une forme d’allocation familiale, ne serait jamais à la hauteur de la contribution. Cela ne nous dispenserait donc pas d’une modification radicale du regard, qui doit nous conduire à remettre au centre de l’attention, y compris des économistes, cette communauté vitale qu’est la famille. À voir d’abord comme une communauté de don gratuit. Sans ce don, pas de don, pas de société Parus le 11 décembre 2018

La crise des gilets jaunes

Entretien Pierre de Lauzun sur l’Homme nouveau du 10 décembre.Propos recueillis par Adélaïde Pouchol De manière générale, comment analysez-vous la crise des gilets jaunes ? S’agit-il d’une crise passagère ou d’un mouvement bien plus profond ? Il y a quelque chose de très profond, c’est une voix nouvelle qui se fait entendre dans le débat public et qui pèsera au moins pendant un temps. Mais la limite de ce mouvement c’est qu’il s’est construit comme un réseau et veut le rester, sans porte-parole ni élaboration commune d’un programme ou de revendications. C’est une limite importante pour qui veut peser dans le débat public. Les revendications qui circulent sont nombreuses, parfois contradictoires et surtout, ne sont pas endossées, ce qui signifie qu’on ne peut pas en discuter, que ce soit avec le gouvernement Macron ou avec n’importe qui d’autre.    S’il est difficile de faire émerger un ensemble de revendications claires, une certaine ligne se dessine, qui met en cause un État incapable de remplir sa mission tout en réclamant plus d’État, par l’intermédiaire d’aides et de financements divers. N’est-ce pas contradictoire ?  C’est une contradiction réelle et profonde, qui vient de ce que le malaise et l’insatisfaction s’expriment à travers des jeux de revendications qui ne sont pas nouvelles mais au contraire déjà en place ou connues. Le journal Le Monde a établi une corrélation assez forte entre les demandes qui apparaissent ici ou là, et les programmes de Jean-Luc Mélenchon il y a un an et, dans une moindre mesure, celui de Marine Le Pen. C’est ce qui fait qu’une revendication profonde et originale, par ce que le géographe Christophe Guilluy appelle la “France périphérique”, se traduit de fait par des demandes très classiques comme la hausse des salaires, etc., qui sont peut-être justifiées mais qui ne sont pas originales. Ce qui l’est un peu plus, c’est la demande de démocratie directe, qui pourrait se traduire par des mesures de type référendum populaire, ce qui peut être intéressant cas par cas, mais pas être un mécanisme permanent. Bref, le mouvement est nouveau mais n’arrive pas vraiment à porter des choses très nouvelles.   Les gilets jaunes ont vite dépassé le seul combat pour le prix du carburant pour parler de “pouvoir d’achat”. Est-ce à l’État d’en être le garant et si oui, comment peut-il en même temps respecter le principe essentiel de la subsidiarité ? Il est manifeste, en effet, que l’essentiel des demandes des Gilets jaunes sont adressées à l’État, et pas aux entreprises. Et s’adresser à l’État, c’est demander l’utilisation de moyens étatiques, qui ne sont plus vraiment en état d’y répondre dans bien des cas. Il y a une difficulté importante avec le SMIC, par exemple, dont parlent les Gilets jaunes. Effectivement, l’État peut décréter l’augmentation du SMIC et cela aiderait certaines personnes, mais cela priverait d’autres d’un emploi puisque nombre de PME ne pourrait assumer cette augmentation du SMIC. Il n’y a pas d’appréhension claire de ce qu’est l’économie au sein des Gilets jaunes. Dans tout ce que j’ai pu lire d’eux, le terme d’Europe est quasiment absent, que cela soit pour la critiquer, revendiquer quelque chose, ou au contraire lui demander d’accélérer l’évolution. Or elle conditionne très largement l’économie de notre pays. Soit on remet en cause le cadre européen, soit on revoit ses ambitions à la baisse… Mais rien de cela n’est fait ici. On s’adresse à un cadre français qui est désormais moins pertinent que le cadre européen. Les Gilets jaunes portent moins une alternative claire qu’ils n’expriment des besoins.   Les Gilets jaunes devraient-ils alors adresser leur discours non plus seulement à l’État mais aussi aux entreprises par exemple ? La difficulté c’est que cela s’adresserait essentiellement aux patrons de PME plutôt qu’aux multinationales, car celles-ci payent très bien. Le vrai problème des multinationales est plutôt qu’elles ne créent que très peu d’emplois en France. Le gros de l’emploi est créé par des structures beaucoup plus petites, pour lesquelles le coût du travail est bien plus important.  Ou alors l’on accepte la compétition et l’on s’organise par rapport à elle – ce qui peut signifier la baisse des charges sociales, etc… – ou on décide de sortir du système européen.   L’impression d’un trop plein de taxes a été à l’origine du mouvement des Gilets jaunes. La France est-elle vraiment surtaxée ? La France se distingue des autres pays européens bien plus par ses prélèvements sociaux que par l’impôt pur. Mais avec toutes ses taxes prises ensemble, la France détient effectivement le record de tous les pays développés. Le ras-le-bol fiscal est porté par tous, les gens aisés comme les autres. Là où le système Macron a échoué, c’est que ses mesures sont illisibles, avec la suppression de l’ISF ou de la taxe d’habitation d’un côté, et l’augmentation de la CSG de l’autre, plus les autres taxes, et en plus le fait que les pensions ne sont plus indexées sur l’inflation. La seule attitude raisonnable aurait été une baisse générale de la pression pour tout le monde sans aucune augmentation d’impôt ; sauf que cela suppose de réduire drastiquement la dépense publique.  Les gens ont donc le sentiment, qui n’est pas absurde, que ce n’est ni juste, ni équilibré. Ils voient ce dont bénéficient les autres alors qu’eux doivent payer plus. Mais ce que ne voient pas assez bien les Gilets jaunes, c’est qu’en réduisant les ressources de l’État, il faut réduire aussi les prestations ; et pas s’obnubiler par le coût des parlementaires ou des ministres, qui cumulé ne pèse pas lourd.   Reste que malgré un système social qui fait l’originalité de la France, les gens ont un sentiment très clair de gaspillage de l’argent public… Dans les pays scandinaves, la pression fiscale est légèrement moins élevée qu’en France mais les gens ont l’impression d’en avoir pour leur argent. Ici, l’argent est beaucoup moins bien employé. Il faut choisir de mettre de l’argent sur les points prioritaires, et ne pas changer de cap tout le temps. Comment se fait-il … Lire la suite

Migrations: une analyse économique

Article de Pierre de Lauzun Je me baserai ici sur une analyse remarquable de Paul Collier, universitaire britannique[1]. Retenons quelques-unes des principales leçons. D’abord, ce fait simple que le mouvement en cours d’arrivée massive de populations dans des zones civilisées et déjà peuplées est totalement sans précédent dans l’histoire. Même les Grandes invasions jouaient sur des populations beaucoup plus faibles. Contrairement à ce que certains prétendent en effet, la stabilité des populations européennes depuis des siècles est considérable. En outre, le mouvement des personnes est tout autre chose que le mouvement des marchandises ou du capital et répond à des logiques différentes. Les mettre ensemble sous le nom de mondialisation est de la paresse intellectuelle. Comment analyser ce phénomène ?   L’enjeu central du fonctionnement collectif   Comme le note Collier, la prospérité des pays occidentaux est un fait rare voire unique dans l’histoire, qui suppose un fonctionnement collectif relativement efficace, au moins économiquement. Les migrants eux proviennent par nature de système économiquement dysfonctionnels – sinon ils ne migreraient pas. En changeant leur cadre culturel, leur productivité fait un grand bond vers le haut. Prôner le respect de leur culture est donc une idée incohérente puisque ces cultures sont par définition imparfaites au moins sous cet angle.       Plus précisément, pour fonctionner harmonieusement la vie en société suppose un degré élevé de confiance mutuelle et de coopération. Or cela ne va pas de soi et c’est une des raisons de base du succès des sociétés avancées, contrairement aux autres où la transmission de la méfiance réciproque entre ethnies ou groupes peut se faire sur des siècles. Or les migrants apportent avec eux leurs codes moraux d’origine. Si donc ils ne s’adaptent pas au mode de vie commune du pays d’accueil, un problème émerge. Bien sûr, une migration modérée et limitée est porteuse d’avantages du fait que par-là la population se diversifie et incorpore des talents, si c’est sans altérer son fonctionnement collectif. Mais les rendements sont rapidement décroissants : une personne de plus ajoute peu. En revanche l’hétérogénéité croissante de la population, juxtaposant des ‘communautés’ avec des règles de vie différentes et où les personnes s’identifient d’abord à ces ‘communautés’ diminue la confiance mutuelle et accroît l’intérêt pour chacun de jouer son propre jeu ou celui de sa ‘communauté’. S’il y a trop de gens non-coopératifs, l’incitation pour les autres à rester coopératif diminue – même dans la population d’origine. Et chaque ‘communauté’ finit par voir la punition de tels comportements chez ses ressortissants comme une discrimination. Et donc plus il y a de migrants, moins il y a de confiance collective. Non seulement entre groupes, mais même à l’intérieur de ces groupes. Une migration forte et rapide a alors vite un coût élevé. De ce point de vue les migrations à destination de l’Europe, arabes, turques et africaines posent des problèmes radicalement différents des migrations nord-américaines, qui e sont surtout latino-américaines. En fait le problème des migrants au niveau mondial est pour l’essentiel un problème européen.       D’où le paradoxe des sociétés qui se veulent multiculturelles : on y encourage de fait les migrants à rester entre eux[2], ce qui est le contraire de ce qu’il faut faire. Il faut donc dit Collier favoriser l’assimilation pleine sur la base de la culture du pays.   Des effets économiques moins sensibles sur les pays d’accueil   En comparaison, les effets économiques des migrations sont plus diffus. L’effet global dans le pays d’accueil est en fait dit-il limité. Les salaires les plus bas baissent, les plus hauts montent. L’effet est plus important sur le logement car la concurrence pour le logement social s’intensifie. Mais l’effet négatif pour les milieux populaires autochtones est accru s’ils désespèrent. Ainsi en Grande-Bretagne la classe ouvrière a traditionnellement de faibles aspirations sociales, contrairement aux migrants. Et donc les enfants de ces derniers l’emportent sur ceux des premiers. On peut avoir ce même problème dans les couches supérieures, comme en témoigne le succès des Asiatiques en Amérique du Nord ou en Australie, avec leur souci de l’éducation : ils dominent les meilleures écoles. Au Canada ils sont la moitié des étudiants en droit.       Par ailleurs, l’idée que l’immigration de jeunes facilitera le paiement des retraites dans le pays d’accueil est fausse : c’est une aide très provisoire, ou alors il faudrait un flux continu, puisque le vieillissement lui est continu. En outre les migrants ont plus d’enfants, ce qui accroît le nombre des personnes à charge, ce à quoi il faut ajouter le reste des familles (du fait que le rassemblement familial est la principale source d’immigration).       En résumé, une faible immigration a peu d’effet économique ; mais si elle est forte et continue, elle fait baisser les salaires, sauf les plus hauts, et fait pression sur l’accès au capital public. En sens contraire le Japon a montré qu’il y avait peu de coût à rester un pays fermé. En fait la dimension économique est bien moins importante que les coûts sociaux évoqués ci-dessus (que négligente en général les économistes). Les gains économiques ne sont qu’à court terme ; et les problèmes sociaux à moyen terme. Or toutes les analyses sur le bonheur ressenti montrent que la qualité des relations sociales importe beaucoup plus que les revenus. Le bilan global d’une immigration forte est donc dit-il nettement négatif.   Les gagnants et les perdants, la dynamique de la migration   Les migrants sont en revanche les grands gagnants économiques de la migration. Le différentiel de salaire entre leur pays d’origine et le pays d’accueil, qui motive la migration, est dû pour l’essentiel non aux intéressés mais à l’environnement économique. En migrant, ils voient donc leur productivité (mesurée par le revenu) faire un bond massif. C’est donc beaucoup plus attractif pour eux que d’essayer de faire bouger leur pays d’origine, ou d’attendre son décollage. Migrer est alors une forme d’investissement, souvent familial. De ce fait les migrants ne sont pas les plus pauvres du pays d’origine, car le coût de la migration est élevé. … Lire la suite

Présentation

Article de Pierre de Lauzun Actuellement (depuis 2002) Délégué général de l’Association Française des Marchés Financiers AMAFI, qui regroupe les professionnels de la Bourse et de la Finance. Ancien élève de l’École Polytechnique (1969) et l’École Nationale d’Administration (1975), j’ai travaillé principalement dans la banque et la finance. Quelques points de repère :  2001 – 2014 : Directeur général délégué de la Fédération Bancaire Française – FBF, l’organisation professionnelle des banques en France. 1998 – 2000 : Groupe Goldman Sachs : Président d’Archon Group France (suite au rachat de l’UIC ci-après) 1994 – 1998 : Union Industrielle de Crédit (UIC, Groupe GAN) : Président du directoire. 1987 – 1994 : BANQUE DE L’UNION EUROPÉENNE – UECIC- Groupe GAN-CIC Directeur général adjoint (BUE devenue Union Européenne de CIC en 1990). 1981 – 1987 : Direction du Trésor au Ministère de l’Économie et des Finances. Conseiller Financier à New York (1986 – 1987) Chef du Bureau des Banques (1984 – 1986) . Secrétaire Général du Club de Paris (1981-1984) 1975-1981 : Services du Premier Ministre.   Ardéchois (du Sud), né en 1949, marié, 3 enfants, 10 petits-enfants (compte provisoire). Une activité professionnelle peu populaire mais essentielle (la finance). Et une recherche personnelle qui va de l’économie à la philosophie et à la politique. D’où ces livres. Quelques repères : la foi chrétienne, catholique. Le goût de la diversité internationale et des langues, notamment Asie (Japon). L’intuition de l’unité au fond de la multiplicité. L’exigence de vérité et de qualité (le beau et le bien). L’insertion dans le temps et dans l’histoire, et hors du temps. On trouve ces réflexions dans mes livres : Le Ciel et la Forêt Tome I Au-delà du pluralisme ; Tome II Le christianisme et les autres religions, Dominique Martin Morin 2000. Chrétienté et Démocratie, Pierre Téqui 2003. L’Évangile, le Chrétien et l’Argent, Éditions du Cerf 2004. Les Nations et leur Destin, F.-X. de Guibert 2005. Temps, Histoire, Éternité, Parole et Silence 2006. Christianisme et Croissance économique, Parole et Silence 2008. L’économie et le christianisme, F.-X. de Guibert 2010. L’avenir de la démocratie (Politique I), F.-X. de Guibert 2011. Finance : un regard chrétien, Embrasure 2013. Philosophie de la foi Arjalas Editions 2015.   Guide de survie dans un monde instable, hétérogène, non régulé TerraMare 2017.   L’euro : vers la fin de la monnaie unique ? TerraMare 2017.   La Révélation chrétienne, ou l’éternité dans le temps Artège Lethielleux 2018. Principales associations et assimilables :  Président d’Alba Cultura (rendre l’art présent dans les prisons et autres lieux clos) ; Vice-président puis Trésorier de la Fondation pour l’École (soutien à l’enseignement libre hors contrat) ; Président de la Commission Éthique financière des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens (EDC) ; Président de l’Amicale des Ardéchois de Paris ; Membre de l’Académie catholique ; Commandeur de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem (soutien aux Chrétiens de Terre Sainte). Association des économistes catholiques. Association des écrivains catholiques ; Association des écrivains croyants. Blog personnel : http://www.pierredelauzun.com