Menace socialiste aux Etats-Unis

Par Etienne Chaumeton Sur la base de la Statue de la Liberté, qui a accueilli au siècle dernier des millions d’immigrés arrivant à New-York, un poème dit « envoyez-moi vos pauvres ». Les Américains devraient-ils maintenant avoir peur du sort réservé à leurs riches ? Les propositions fiscales des candidats démocrates à l’élection présidentielle interrogent sur le changement de mentalités de l’autre côté de l’Atlantique. Alors qu’au cours des 20 dernières années une dizaine de pays de l’OCDE a renoncé à un impôt sur la fortune, les États-Unis pourraient en adopter un. Outre Joe Biden, Elizabeth Warren et Bernie Sanders sont en tête des sondages avec respectivement 23% et 16% des intentions de vote pour les primaires démocrates. Ces deux candidats proposent d’instaurer une taxe sur l’intégralité du capital d’un ménage, ce qui n’existe pas à ce jour aux États-Unis. Cette nouvelle taxe s’appliquerait uniquement aux « ultra millionnaires », pour reprendre l’expression d’Elizabeth Warren.   Un couple d’américains serait assujetti à cette taxe à partir de 32 millions de dollars de capitaux nets (hors dette) pour Bernie Sanders. Pour Elizabeth Warren, le seuil serait de 50 millions de dollars de capitaux nets. Les deux démocrates proposent des taux progressifs, jusqu’à 3% pour Elizabeth Warren et jusqu’à 8% pour Bernie Sanders. Avec de tels taux il devient difficile, voire impossible de préserver la valeur d’un capital. Le Dow Jones a baissé de 5,6% en 2018. Les candidats ne cachent d’ailleurs pas que cette taxe va diminuer la valeur du patrimoine des riches. Même si ces propositions n’émanent pas du candidat démocrate favori, Joe Biden, elles proviennent de candidats qui captent tout de même une part significative des électeurs américains. Comme sur le Vieux Continent, les États-Unis cèdent à la tentation de voir l’impôt, non plus comme la contrepartie de services publics nécessaire au bon fonctionnement de la société et au respect des libertés individuelles, mais comme un moyen de contrôler, limiter et redistribuer par la contrainte étatique les propriétés privées des citoyens. Le but ostensiblement avoué n’est pas de lever des taxes pour améliorer le fonctionnement de la société. Il s’agit de priver des millionnaires d’une partie de leurs richesses parce qu’ils sont millionnaires, Bernie Sanders estimant arbitrairement qu’ils « ont trop ». Il a été jusqu’à Tweeter que « les milliardaires ne devraient pas exister ». Il convient de souligner que cette taxe ne concernerait pas la consommation des « trop riches », qui peut être anonyme, mais leur capital, de manière personnelle, quelle que soit la nature du capital et où qu’il se trouve sur la planète. Ni Elizabeth Warren ni Bernie Sanders ne prennent la peine de détailler comment le capital net va être évalué. Comment, par exemple, le fisc américain devra-t-il évaluer les œuvres d’art, les biens immobiliers détenus à l’étranger ou la valeur des parts détenues dans les entreprises ? Si la richesse d’un millionnaire repose sur un bien peu liquide, comme un bien immobilier ou une œuvre d’art, sera-t-il contraint de le vendre pour payer ses impôts ? Si c’était le cas, le cours de ces biens serait amené à baisser, ce qui réduirait d’autant les recettes fiscales espérées. Elizabeth Warren estime à 2 750 milliards de dollars les recettes fiscales sur 10 ans de sa nouvelle taxe. Bernie Sanders estime quant à lui que sur une décennie sa taxation du capital rapportera 4 350 milliards de dollars au fisc américain. C’est sans compter sur le fait que trop d’impôt tue l’impôt et que les millionnaires ne pourront plus créer et conserver un capital tel qu’ils ont pu le faire jusqu’à ce jour. Si Jeff Bezos, parti de peu, a pu devenir l’homme le plus riche des États-Unis, c’est parce qu’en bon entrepreneur il a su créer de la valeur ajoutée en répondant à la demande de ses clients. C’est également parce que le système fiscal américain lui a laissé l’essentiel des fruits de son travail. Si Jeff Bezos était contraint de vendre des parts de son entreprise pour payer une taxe sur le capital, les nouveaux actionnaires seraient-ils aussi compétents pour gérer l’entreprise ? La mise en place d’une fiscalité trop lourde inciterait un entrepreneur à s’implanter dans un pays où la fiscalité serait moins pesante. Elizabeth Warren comme Bernie Sanders abordent la question du risque d’exil fiscal des millionnaires concernés par cette taxe sur le capital. Leur réponse est simple et consiste une nouvelle fois à priver les plus riches de leur propriété privée. L’exil fiscal serait taxé à 40% pour Warren et de manière progressive, jusqu’à 60% pour Sanders. La propriété privée, pourtant à la base du développement économique et de l’ordre social américain, serait fortement affectée par une accession d’Elizabeth Warren ou de Bernie Sanders à la Maison-Blanche. Ces deux candidats démocrates ne se souviennent peut être pas que la guerre d’indépendance des Etats-Unis a commencé par une révolte fiscale, Donald Trump pourrait en tirer les dividendes…

L’économie du bien commun, réponse aux défis de notre pays !

Auteurs : – Blandine Mulliez (présidente de la Fondation Entreprendre), – François Asselin (président de la CPME), – Geoffroy Roux de Bézieux (président du Medef) et – Philippe Royer (président des Entrepreneurs-et-Dirigeants-Chrétiens – EDC). Cet article a été publié récemment dans la presse sous forme de tribune La tribune s’adresse essentiellement aux entrepreneurs et se termine par une invitation aux Rencontres de l’économie du Bien commun, qui se tenaient le 13 décembre 2019, sous forme d’une table ronde (avec les 4 personnes précitées) puis des ateliers. Le 12 décembre 2019, sur Radio-Notre-Dame, dans l’émission Café-Serré, Cyril de Quéral (vice-président des EDC) répond aux questions de Louis Daufresne à ce sujet (à partir de 7′ 30”). Par Bien commun, nous entendons l’ensemble des conditions économiques, culturelles et sociales permettant à toute personne, à sa famille et aux groupes auxquels elle appartient, d’atteindre mieux et plus facilement leur plein épanouissement. Ces conditions regroupent de nombreux domaines, en particulier le travail, l’éducation, la santé, le logement, l’alimentation, l’environnement, les transports, la culture ou la religion. Il s’agit de viser le bien, ainsi que le plein épanouissement de tous les membres de notre communauté nationale, européenne et mondiale, de notre communauté présente, mais aussi de la communauté à venir et des générations qui vont nous succéder. C’est pour cela que le sujet de la retraite ou celui de la lutte contre le réchauffement climatique sont aussi essentiels dans la recherche du Bien commun. Le rôle central des entreprises Les entreprises ont un rôle central à y jouer. Elles sont les poumons de l’activité économique et au cœur de la vie de beaucoup de Français. Au carrefour des attentes des différentes parties prenantes, elles agissent pour le développement de leurs salariés, la satisfaction de leurs clients, la coopération avec leurs fournisseurs, la rémunération de l’investissement de leurs actionnaires, le financement des services publics par la fiscalité et bien d’autres choses encore. Lieux de travail, d’épanouissement et de projets pour créer le monde de demain, elles ont la capacité de créer de la richesse et du lien social, d’innover et de développer de nouveaux produits et services permettant le développement de chacun, de participer à la formation des salariés et de vivifier les territoires sur laquelle elles sont ancrées. Un monde en profonde mutation Dans un monde en profonde mutation, marqué par des tensions grandissantes entre ceux qui promeuvent la transformation et ceux qui s’en sentent les victimes, confronté aux défis de l’exclusion des plus fragiles, de la recherche de sens et du réchauffement climatique, l’entreprise peut constituer un formidable instrument au service du Bien commun et de la transformation du système actuel pour faire naître une société plus juste. Nous, Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens, MEDEF, CPME, Fondation Entreprendre, invitons les entrepreneurs qui le souhaitent et le peuvent à tourner résolument leur entreprise vers le service du Bien commun, à dépasser les intérêts particuliers pour œuvrer à un développement qui associe esprit d’entreprise, épanouissement des salariés, profitabilité, pérennité, innovation, intégration des plus fragiles et respect de la planète. Nombreux sont les entrepreneurs et dirigeants prêts à déployer une économie du Bien commun porteuse d’avenir pour nos enfants et petits-enfants. Beaucoup sont déjà en chemin, via la responsabilité sociale d’entreprise et la déclinaison de leur raison d’être. D’autres s’efforcent, loin des projecteurs, de travailler quotidiennement, au sein de leurs entreprises, pour l’épanouissement de leurs salariés, l’inclusion des personnes en situation de fragilité et le développement des territoires où ils sont implantés, tout en veillant à répondre aux défis économiques auxquels ils sont confrontés et à assurer la rentabilité de leurs entreprises, garante de leur pérennité et de leurs emplois. Pour une société plus juste Nous invitons l’ensemble des entrepreneurs à les suivre. Confions des responsabilités à nos salariés, assurons-nous de l’équilibre entre leur vie privée et professionnelle, accueillons les plus fragiles et préservons notre environnement. Le Bien commun est un cap qui doit guider l’entreprise. C’est l’objectif des Rencontres de l’économie du Bien commun que nous organisons le vendredi 13 décembre, au Collège des Bernardins. Elles sont un appel adressé à l’ensemble des entrepreneurs et dirigeants de bonne volonté : entreprenons pour transformer le monde et faisons de nos entreprises les outils de sa transformation pour une société plus juste.

Jacques Bichot : “Retraites : que faire ?”

Article de Jacques Bichot, en date du 7 décembre 2019 Dans un précédent article j’ai expliqué à quel point nos hommes politiques étaient incompétents en ce qui concerne l’indispensable réforme de notre système de retraites. Il convient maintenant de leur donner le mode d’emploi qu’ils ne sont pas capables de trouver par eux-mêmes. Je pourrais me borner à leur recommander la lecture de La retraite en liberté, ouvrage publié en 2017 avec l’appui de l’association Sauvegarde retraites, qui en a fourni un exemplaire à bon nombre d’hommes politiques, puisque ce petit ouvrage (il a la taille d’un Que Sais-je ?) contient l’essentiel de ce qu’il faut savoir pour réaliser rapidement une réforme cohérente des retraites dites « par répartition ». Une telle réforme donnerait à la France une longueur d’avance dans ce domaine où, il faut l’avouer, aucun pays n’a encore trouvé la formule adéquate. Mais combien existe-t-il d’hommes politiques prêts à lire 123 pages ? Je vais donc fournir ci-dessous un mode d’emploi beaucoup plus concis. La réforme doit et peut prendre la forme d’un blitzkrieg. Pourquoi vouloir faire traîner les choses ? Modifier petit-à-petit les règles du jeu aurait pour conséquence inéluctable d’inquiéter fortement les Français pendant une longue période et d’exposer la réforme à toutes sortes de remises en question. Il faut avoir l’esprit de décision, trancher dans le vif. Si la réforme n’est pas réalisée avant la prochaine élection présidentielle, il est probable qu’elle tournera court et que la France traînera indéfiniment ses 42 régimes tous basés sur une escroquerie du type Madoff. Mais, dira-t-on, ce n’est pas possible techniquement, il faut procéder par étapes. Cette affirmation est inexacte. Il est possible de faire basculer rapidement la totalité de la population française dans le nouveau système fonctionnant par points. A partir du 1er janvier 2021, par exemple, les actifs ne percevraient plus leurs droits à pension que sous forme de points et dans le système unique que nous appellerons France retraites. Cela ne veut pas dire que les institutions existantes disparaîtraient, remplacées par un coup de baguette magique. Chaque salarié du privé choisirait d’avoir son compte de points, soit dans sa CARSAT, soit dans l’institution Agirc-Arrco dont il dépend pour sa retraite complémentaire. Les salariés des régimes spéciaux ne changeraient pas de caisse de rattachement, non plus que les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, et l’État en créerait une, à partir de ses services gestionnaires des pensions, pour ses fonctionnaires. Les droits acquis sous l’ancien régime seraient progressivement exprimés en points, en commençant par les personnes les plus âgées. Cette conversion en points des droits acquis avant la réforme prendra évidemment du temps, puisqu’il faudra faire des calculs équivalents à ceux d’une liquidation, mais l’important est qu’elle soit achevée, pour chaque assuré social, avant la liquidation de sa pension. Les personnes encore jeunes au moment du big-bang (la proclamation de la loi portant réforme des retraites et création de France-retraites) attendront quelques années avant de savoir le nombre exact de points acquis antérieurement au big-bang, mais cela ne détériorera nullement leur situation, puisqu’actuellement un travailleur en poste depuis seulement quelques années ignore en fait la valeur des droits qu’il a déjà engrangés. Pour respecter le principe constitutionnel d’égalité, les personnes ayant liquidé leur pension avant le jour J verront leurs droits transformés quasi immédiatement en points, opération simplissime : si quelqu’un a une pension de 1 500 € par mois, et si la valeur de service du point est 10 € mensuels, il sera à la tête de 150 points. Cette transformation quasi immédiate permettra à tous les Français d’être égaux face aux modifications du montant de leur pension après sa liquidation. Si par exemple, une année, le point est réévalué de 1 %, ce sera vrai pour tout un chacun, anciens retraités comme nouveaux retraités. La réforme doit remplacer le fonctionnement actuel de type Ponzi-Madoff par une formule économiquement rationnelle J’ai expliqué mille et une fois qu’il fallait mettre en application la formule du démographe Alfred Sauvy, « nous ne préparons pas nos pensions par nos cotisations, mais par nos enfants ». Comme tout report de revenu d’aujourd’hui vers un futur plus ou moins lointain, les retraites se préparent en investissant. La capitalisation consiste à investir dans les entreprises, les infrastructures, les inventions ; ce qu’on appelle répartition, terme maladroit mais consacré par l’usage, consiste à investir dans le capital humain, principal facteur de production. Autrement dit, les points devront être attribués pour la mise au monde, l’entretien et l’éducation des enfants par leurs parents, ainsi que pour les apports monétaires destinés à la formation (initiale et continue) et au financement de différents services nécessaires ou utiles pour passer du stade d’un ovule fécondé par un spermatozoïde à celui de jeune homme ou jeune fille apte à remplir un rôle productif. Cela va de la PMA, sans laquelle certains enfants ne verraient pas le jour, à l’ASE (Aide sociale à l’enfance), qui s’occupe des enfants maltraités par leurs parents, en passant pas les dépenses de fonctionnement des crèches, des écoles et de l’enseignement supérieur. Presque toutes ces dépenses sont aujourd’hui financées par des impôts, ce qui n’a aucun sens puisqu’il s’agit du financement d’un investissement : il faudra tout simplement les faire financer par une cotisation d’investissement dans la jeunesse, qui procurera des points de retraite. Les parents percevront également des points en reconnaissance des services éminents qu’ils rendent en élevant leurs enfants. Tout cela peut être mis en place très rapidement. L’impôt sur le revenu, avec le système du quotient familial, pourrait constituer la matrice de la cotisation jeunesse, qui sera ainsi plus forte, à revenu donné, pour les personnes n’ayant pas, ou ayant peu, d’enfants à charge, que pour les pères et mères de famille nombreuses : les premiers apporteront surtout de l’argent pour le fonctionnement des services publics nécessaires au passage de l’enfance à l’âge adulte, tandis que les seconds apporteront surtout le soin qu’ils prennent de leur progéniture. Un système de retraites basé sur cet échange entre générations successives sera beaucoup plus bénéfique pour l’économie et pour la natalité que le système actuel, … Lire la suite

Jacques Bichot : Concevoir et organiser la politique familiale comme un investissement (partie 2/2)

Tel était le thème retenu par les membres de l’AEC pour leur réunion interne du 1er décembre 2019. Aujourd’hui, nous publions le premier des articles écrits et présentés par nos membres à l’occasion de cette réunion. Il s’agit d’un texte de Jacques Bichot[1], que nous avons divisé en 2 parties. Voici la 2nde. Télécharger la version complète de l’article, en format PDF. [1] Ce texte est la version écrite d’une conférence donnée le 24 mai 2018 à la mairie du 7e arrondissement de Paris à la demande de l’association Population et Avenir. 3/ Le théorème de Sauvy Parmi les réalités économiques dont la loi en vigueur, en France mais aussi quasiment dans tous les pays développés, ne tient pas convenablement compte, figure le théorème de Sauvy : « en répartition, nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants ». Il s’agit d’un théorème en ce sens que c’est une vérité incontestable, une maxime qui décrit exactement ce qui se passe dans un système de retraites par répartition – la « nature des choses », au sens de Lucrèce. Les cotisations vieillesse ne sont pas consacrées, comme en capitalisation, à investir dans des actifs classiques de façon à bénéficier le jour venu des revenus qu’ils produiront et du montant de leur revente à de nouveaux participants au système. Elles servent à verser des pensions aux retraités actuels. Dans les années 1970, Alfred Sauvy, inquiet de la chute de la natalité, alerta les Français sur les conséquences que cette chute aurait, à long terme, sur les retraites par répartition. Claude Sarraute crut bon de le contredire en écrivant dans Le Monde un billet qui disait en substance : « je paie mes cotisations, j’aurais droit à ma pension, point ligne ». Dans un billet en réponse, Sauvy écrivit à peu près ceci : « Je viens de liquider ma pension. On me transmet le montant de votre cotisation et de quelques autres, merci beaucoup, je vis très bien avec. Mais évidemment, quand viendra votre tour de prendre votre retraite, ne comptez pas sur cet argent, je l’ai dépensé ; comptez plutôt sur les cotisations que verseront ceux qui sont aujourd’hui des jeunes et des bébés : ce sont eux qui vous entretiendront. Et bien entendu, plus ils seront nombreux, plus vous aurez des chances d’avoir une bonne pension. » Cela est la réalité économique, tandis que la législation relative aux retraites est une fiction juridique. En fait, la répartition et la capitalisation fonctionnent de la même manière : on commence par investir, puis on récolte les fruits de ce que l’on a semé, les dividendes des investissements réalisés. La différence principale tient au fait que dans un cas – la capitalisation – l’investissement s’effectue en capital classique (entreprises, immobilier, infrastructures, etc.) tandis que la répartition fonctionne en investissant dans le capital humain. Grosso modo, d’après des estimations comme celle de Stiglitz, Sen et Fitoussi dans leur rapport de 2009, le capital humain représente 2 à 3 fois le capital classique. C’est pourquoi les retraites par répartition sont plus importantes, presque partout dans le monde, que les retraites par capitalisation.   4/ Un contresens législatif de première grandeur et comment le corriger Le fonctionnement des retraites par répartition qui vient d’être exposé montre que l’avenir de celles-ci repose entièrement sur l’investissement dans le capital humain. La politique familiale, quant à elle, participe – assez modestement – au financement de l’investissement dans le capital humain : les prestations familiales font payer par des cotisants une partie des dépenses que les parents effectuent en faveur de leurs enfants. Ce sont des dépenses d’investissement mais, parce que le législateur n’en a pas pris conscience, parce que la chape de plomb du politiquement correct enferme ces prestations dans la catégorie « redistribution », dans une notion économiquement inadéquate d’aide à la famille, les cotisations correspondantes ne procurent aucun droit à ceux qui les versent. Bévue symétrique, les cotisations versées au profit des personnes âgées ouvrent des droits à pension. Notre droit social, en la matière, semble avoir été écrit par Lewis Caroll en vue d’ajouter un chapitre à son ouvrage Alice au pays des merveilles : de même que dans ce pays on ne souhaite pas les anniversaires, mais les non-anniversaires, de même notre droit social intervertit les dépenses de consommation et les dépenses d’investissement. Concrètement, il promet des dividendes à ceux qui paient pour la consommation des personnes âgées, remboursant ainsi la dette qu’ils ont envers la génération qui les a élevés ; et il considère comme des aumônes ce qui sert en fait à financer l’investissement dans la jeunesse, grâce auquel il y aura encore des pensions de vieillesse dans quelques décennies. Ubu-roi ne ferait pas mieux. Les aberrations de notre droit positif vont encore plus loin. Prenons les 70 milliards d’euros, environ, dépensés pour la formation initiale. Il s’agit clairement d’une dépense finançant l’investissement dans le capital humain, et donc préparant les futures pensions. Or cette dépense est financée par l’impôt, au lieu de l’être par une cotisation sociale créatrice de droits à pension. Là encore, la confusion entre investissement et consommation est patente. Prenons maintenant les dépenses d’assurance maladie-maternité consacrées aux enfants, à la procréation médicalement assistée, aux examens et aux soins prodigués pendant la grossesse et lors de l’accouchement : là encore, il s’agit d’investissement dans la jeunesse, relevant donc de la politique familiale au bon sens du terme. Tout cela pourrait être financé par la cotisation sociale créatrice de droits à pension dont il vient d’être question. Et le même raisonnement vaut pour les 7 milliards d’euros qui, en France, financent l’aide sociale à l’enfance, donc en particulier le placement des enfants maltraités par leurs parents : certes, il s’agit d’humanité, il s’agit de redonner une chance à des gamins qui ont reçu sur la tête la pire des tuiles, mais économiquement leur remettre le pied à l’étrier est un investissement dans le capital humain, et si nos législateurs n’avaient pas « les yeux grand … Lire la suite

Jacques Bichot : Concevoir et organiser la politique familiale comme un investissement (partie 1/2)

Tel était le thème retenu par les membres de l’AEC pour leur réunion interne du 1er décembre 2019. Aujourd’hui, nous publions le premier des articles écrits et présentés par nos membres à l’occasion de cette réunion. Il s’agit d’un texte de Jacques Bichot[1], que nous avons divisé en 2 parties. Voici la 1ère. [1] Ce texte est la version écrite d’une conférence donnée le 24 mai 2018 à la mairie du 7e arrondissement de Paris à la demande de l’association Population et Avenir. Constat introductif : la Politique familiale est traditionnellement conçue comme une aide aux familles.   Regardons le rapport sécurité sociale 2017 de la Cour des comptes : Didier Migaud, 1er Président, dans sa présentation du rapport à sa parution en septembre 2017, applaudit les efforts de l’ère Hollande pour rendre la politique familiale plus redistributive. Il est heureux que la quasi-totalité des PF soit désormais placée sous conditions de ressources. Il parle des « aides fiscales et sociales aux familles ». Il assimile complètement le quotient familial (QF) à un mécanisme de réduction d’impôt. La lecture du rapport montre qu’il ne s’agit pas là d’une position propre au 1er Président, mais en quelque sorte d’une doctrine de la Cour. L’introduction du rapport, 14 pages qui en dégagent les grandes lignes, et insistent sur les objectifs présentés par la Cour, consacre un peu plus d’une page au thème « Poursuivre la réforme des aides aux famille ». C’est un des dogmes du politiquement correct : tout apport d’argent aux familles est une aide ! Ainsi que tout dispositif fiscal conduisant à ce qu’un foyer fiscal comportant des enfants, à revenu égal, paie moins d’impôt sur le revenu (IR) qu’un autre qui n’en comporte pas. Ce point de l’introduction se termine par une interrogation sur « le bien-fondé de la dualité de la gestion des aides sociales et fiscales par une branche de la sécurité sociale et au sein du budget de l’État ». Autrement dit, la Cour considère que l’on pourrait réviser la répartition des rôles entre l’État et la sécurité sociale pour articuler davantage les « aides sociales » et les « aides fiscales », mais elle ne s’interroge pas sur les concepts qu’elle utilise : les dispositions sociales et fiscales dont elle traite sont classifiées « aides » sans autre forme de procès, comme si c’était une évidence. La Cour décortique ensuite longuement les changements récents qui ont permis de répartir les soi-disant « aides à la famille » davantage en faveur des ménages ayant le plus faible niveau de vie. Elle s’interroge notamment sur le « soutien croissant en fonction du rang de l’enfant » qui, selon elle, « peut s’analyser comme l’héritage de politiques natalistes ». Visiblement, ce qui est « nataliste » sent le soufre. La Cour ne va pas jusqu’à réfuter explicitement l’utilité pour la France de la naissance d’un nombre d’enfants suffisant pour assurer le renouvellement des générations, mais on voit bien que la natalité n’a pas pour elle beaucoup d’importance. Ainsi porte-t-elle un grand intérêt à la façon dont l’Allemagne et l’Italie organisent les prestations familiales et leur financement, sans indiquer que les taux de fécondité de ces deux voisins, très bas, ne les qualifient pas forcément pour servir d’exemple en matière de politique familiale. Bref, pour la Cour l’enfant est une charge au financement de laquelle les pouvoirs publics, de préférence à la sécurité sociale, peuvent participer lorsque les parents ont des revenus modestes. L’idée que sa mise au monde, son entretien et son éducation puissent constituer un investissement est totalement absente. Nous sommes en présence d’une phraséologie politiquement correcte dont la pertinence économique est proche de zéro. L’analyse économique, nous allons le voir, conduit à une tout autre façon de voir les choses.   1/ Le capital humain Les économistes se sont depuis longtemps intéressés à l’homme en tant que facteur de production. L’expression « capital humain » ne signifie certes pas que l’on réduise l’être humain à n’être qu’un facteur de production, mais que l’on refuse de se comporter comme Tartuffe disant « cachez ce sein que je ne saurais voir ». Si des magistrats de la Cour des comptes, et bien d’autres personnes, refusent de prendre en compte la dimension « facteur de production » dont est porteur chacun d’entre nous, c’est bien dommage, mais cela ne nous oblige pas à fermer nous aussi les yeux sur la réalité ; écoutons donc ce que les économistes ont à nous dire à ce sujet. Ouvrons à la rubrique « capital humain » un lexique d’économie classique, celui (régulièrement remis à jour) qui est publié chez Dalloz. Nous y apprenons que cette notion a été mise en valeur par des économistes tels que Theodor W. Schultz et Gary Becker dans les années 1950 et 1960, ce qui a contribué à leur valoir le prix Nobel d’économie une quinzaine d’années plus tard ; que l’expression « capital humain » désigne « l’aptitude de l’individu à travailler », laquelle aptitude dépend de la santé, des compétences et des savoir-faire ; que cette aptitude s’obtient et s’accroît par « l’investissement en capital humain, ensemble des dépenses d’éducation, de formation et de santé » qui permettent de devenir et de rester un travailleur productif. Le lexique cite aussi Robert E. Lucas, Nobel d’économie en 1995, pour ses travaux montrant que l’intervention de l’État est importante pour la formation du capital humain. Notons que ces prestigieux confrères ne sont pas les premiers à avoir découvert que la mise au monde et l’éducation des enfants sont des investissements. Churchill disait parait-il, avec sa truculence savoureuse : « il n’y a pas de meilleur investissement que de mettre du lait dans un bébé ». Et Adam Smith, au XVIIIe siècle, dans ses Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des nations (un classique s’il en est !), comparait à une machine perfectionnée l’homme « qui a dépensé beaucoup de temps et de travail pour se rendre propre à une profession qui … Lire la suite

Aspects économiques du meurtre de Vincent Lambert

Article de Jacques Bichot publié le 7 juillet 2019 dans Économie-Matin Les plus hautes juridictions françaises ont prononcé l’arrêt de mort de Vincent Lambert. Cette condamnation d’un homme qui n’est coupable que d’être viscéralement attaché à sa survie, après un accident qui l’a rendu pauci-relationnel, c’est-à-dire incapable de parler, a fait l’objet d’un nombre impressionnant d’articles mais, curieusement, aucun – à ma connaissance – n’a procédé à une analyse économique de cette situation et des actions qu’elle a suscitées. Il me semble nécessaire de combler cette lacune, parce que l’amour et la haine, l’altruisme et l’égoïsme, le choix entre la vie et la mort, ont une composante économique, comme tout ce qui est humain. Une situation économiquement irrationnelle Vincent Lambert est dans un état pauci-relationnel depuis un accident de voiture arrivé début 2008. Incapable de s’exprimer, et de se nourrir par lui-même, il survit fort bien moyennant une alimentation et une hydratation par tubage et quelques soins de kinés ou d’infirmiers, notamment pour éviter les escarres. Il n’est manifestement pas en fin de vie ; il a même résisté à un arrêt prolongé de son alimentation qui aurait fait passer de vie à trépas plus d’un homme en bonne santé ! Son maintien depuis plus de dix ans dans une unité de soins palliatifs, service médical destiné à adoucir les derniers moments de personnes dont la mort doit selon toute vraisemblance survenir à brève échéance, est un non-sens non seulement médical, mais aussi économique : dans de tels services, le prix de journée est parait-il d’environ 5 000 € par jour, alors que les établissements spécialisés dans le traitement des grands handicapés pratiquent des tarifs deux fois moins élevés.  Voici donc une première aberration économique, qui en dit long sur la gestion de notre système de santé : on gaspille 2 500 € par jour, soit plus de 900 000 € par an, pour maintenir un patient dans un service qui n’est pas adapté à son cas. En dix ans, cela représente un gaspillage de 9 millions d’euros. Il semblerait que la prise en charge de ces dépenses ne soit pas le fait de la sécurité sociale, mais d’une assurance privée : peu importe, un gaspillage est toujours un gaspillage, quelque chose de malsain pour l’économie. Si la mauvaise gestion de certains services publics fait dépenser des sommes extravagantes à des assurances complémentaires, celles-ci sont obligées de pratiquer des tarifs plus élevés, et des millions de personnes physiques et morales en supportent les conséquences. Autres dimensions du gaspillage Ce gaspillage n’est pas la seule conséquence de l’erreur d’orientation dont est victime Vincent Lambert et, par ricochet, sa famille. Dans un établissement adapté, il aurait reçu le type de soins que réclament ses parents, susceptibles de le ramener progressivement à l’usage de certaines de ses facultés. Vincent, à ce qu’en disent les media, est capable de déglutir, et il respire naturellement : c’est un point de départ intéressant pour, progressivement, lui redonner l’usage de certaines de ses facultés. Mais cela ne correspond pas aux compétences d’un service conçu spécifiquement pour limiter, et le cas échéant abréger, les souffrances de personnes dont les chances de survie sont nulles.  Placer une personne dont le pronostic vital à long terme est excellent dans un service dont la compétence et la vocation sont de prodiguer des soins palliatifs lui ôte quasiment toute chance de retour à une vie, sinon normale, du moins plus proche de ce que chacun estime être une existence acceptable. Vincent Lambert a donc été injustement privé d’une chance d’amélioration de son état. Mais il n’est pas le seul à être lésé par les dysfonctionnements de nos systèmes hospitalier et judiciaires : les dégâts collatéraux sont considérables. Ils concernent d’abord les proches de la victime : une famille divisée entre partisans et adversaires de l’euthanasie d’un époux, d’un fils, d’un frère, d’un cousin, d’un ami. Il serait évidemment ridicule de faire d’une somme d’argent une sorte de mesure de ce gâchis relationnel et affectif, mais l’économie n’est pas une discipline limitée à évaluer en argent les biens, les situations, les relations humaines. Bien des vulgarisateurs des travaux économiques, ainsi que certains de mes confrères, semblent considérer l’argent comme une mesure de la valeur : c’est un enfantillage !  Une dramatique destruction de valeur La monnaie sert à organiser la production, la consommation, certains échanges, l’appropriation des biens, mais il faut la maintenir à son rang d’outil organisationnel. Les vraies valeurs ne s’appellent pas euro ou dollar, mais affection, amitié, amour, gentillesse, dévouement, générosité, et ainsi de suite. C’est pourquoi les perturbations apportées dans la famille de Vincent Lambert par le comportement irresponsable, pour ne pas dire inhumain, de médecins et d’hommes de loi, constituent aux yeux de tout économiste pas trop borné une très importante destruction de valeur. Cette expression, si souvent employée à propos de la baisse du cours d’une action, ne doit pas être confisquée au profit du « monde des affaires » : la destruction de valeur, c’est d’abord, bien sûr, la disparition d’un être humain, mais c’est aussi la destruction de tout ce qui fait la véritable richesse de l’espèce humaine, ce que nous avons suggéré par les mots affection, amitié, etc.  Or, à cet égard, comment ne pas voir dans l’affaire Lambert une grande destruction de valeur, autrement plus importante que la baisse du cours boursier d’un quelconque GAFA (les quatre « très grands » du numérique) ? Cette destruction de valeur ne s’exprime pas monétairement, mais elle touche à ce qu’il y a de plus important : la vie humaine et le respect qui lui est dû. Quand un tribunal donne l’ordre de tuer un innocent, ce n’est pas seulement Vincent Lambert que l’on assassine, c’est l’idée même du droit, protecteur de la vie et de l’innocence. Une des valeurs les plus importantes pour l’humanité et pour ses subdivisions, dont l’une est le peuple français, est le respect, non pas tellement du droit positif, dont les errements sont nombreux, mais des « règles de juste conduite », selon l’expression chère à Hayek, l’un des plus grands économistes du XXe siècle.  Il est possible que nos lois françaises … Lire la suite

“EPR de Flamanville : un bien curieux contrôle”, par Jacques Bichot

Article de Jacques Bichot, publié le 22 juin 2019 sur Économie-Matin L’autorité de sureté nucléaire (ASN) remplit un rôle crucial, tout le monde en a conscience : personne n’a envie qu’une catastrophe de type Tchernobyl se produise en France. Mais est-elle à la hauteur de sa tâche ? Ne serait-il pas de bonne guerre de contrôler le contrôleur ? Et la direction de notre grand producteur d’électricité, EDF, s’est-elle comportée correctement dans cette affaire ? Les soudures dites « de traversée » qui présentent des imperfections se situent « entre les parois interne et externe de l’enceinte de confinement du réacteur », donc au cœur même de celui-ci, à proximité des générateurs de vapeur, sur les tuyaux qui acheminent cette vapeur vers les turbines productrices d’électricité. Elles sont donc névralgiques. Quand exactement ont-elles été réalisées ? Quand ont-elles été contrôlées ? A défaut d’apporter des réponses très précises à ces questions, la journaliste des Échos écrit : « la décision d’imposer la réparation des soudures se dessinait depuis plusieurs mois (…) : en octobre dernier, l’ASN avait invité EDF à engager dès à présent les actions préalables à la réparation des soudures concernées. » Cela suffit pour comprendre que 7 à 8 mois ont donc été perdus, au minimum, entre le moment où l’ASN a informé EDF du problème, et ce jeudi, jour où elle a « informé EDF que, compte tenu des nombreux écarts survenus lors de la réalisation des soudures de traversées, celles-ci devraient être réparées. » Le Figaro, citant « une source proche du dossier », va plus loin : « L’ASN a encouragé EDF a lui faire des propositions de non réparation, puis de réparation après la mise en service, pour finalement dire qu’il faut de toute façon réparer ! C’est 18 mois de perdus. » Même en se limitant à la version des Échos, la gabegie qui a sévi dans les relations entre l’ASN et la direction d’EDF va nous coûter une ruine. Car, évidemment, c’est notre pays et ses citoyens qui sont les victimes de ces erreurs de gestion. Les actions de la société EDF sont détenues à 83,7 % par l’État, à 13,1 % par des investisseurs institutionnels, et à 3,1 % par des particuliers, y compris des salariés d’EDF. Cette belle entreprise devrait normalement rapporter de beaux dividendes à Bercy, ce qui serait autant de moins à prélever sur le contribuable ou à se procurer par l’emprunt. Certes, avec des taux d’intérêt à 10 ans récemment devenus négatifs pour le Trésor, emprunter n’est pas une catastrophe, mais il s’agit d’une situation malsaine, dont la prolongation n’est pas à souhaiter. Cette malheureuse affaire paraît hélas assez dans l’air du temps. En haut lieu, on tergiverse, au lieu de trancher. Or, dans cette affaire comme dans bien d’autres, « le temps c’est de l’argent ». J’ai dénoncé la lenteur de notre réforme des retraites, parce que chaque mois de retard, c’est environ 200 millions d’euros fichus en l’air1. Je dénonce de la même manière ce qui se passe sous nos yeux pour EDF, non seulement parce que cela coûte cher aux Français, mais aussi parce que le contraste entre la mise en service au jour J de l’EPR chinois et la décennie de retard de son homologue de Flamanville est une gifle pour tout citoyen français. Quand sortirons-nous de cette déchéance ? 1 Une fois mis en place un régime unique, les frais de gestion de nos retraites seront presque divisés par deux, soit 2,5 milliards de moins à débourser chaque année. Powered By EmbedPress

Message à l’intention de nos Députés Jean-Noël Barrot et Amélie de Montchalin

par Ordody Stanislas Il faut changer de paradigme avec le Financement 4P Madame la Députée, Monsieur le Député Après nos premiers échanges sur le Financement 4P, merci de prendre le temps de lire ces quelques lignes. Je mets Bertrand du Marais en copie. « Etre ou ne pas être Gilet Jaune », voire « être Gilet Jaune ou ne pas être »?. Malgré des comportements inacceptables, il semble qu’il y ait un consensus de près des 2/3 des français sur ce mouvement spontané. Alors que les annonces du Président de la République ne semblent pas les désarmer, le Gouvernement et le chef de l’État ne peuvent reprendre la main que s’ils surprennent et se montrent disruptifs. Avec Bertrand du Marais, Conseiller d’Etat, nous avons saisi l’occasion de la loi Pacte pour avancer une proposition d’instrument de financement, le Financement 4P, à des fins de changement, au service de l’économie réelle, des paradigmes qui régissent l’activité financière.  Pour mémoire, le Financement 4P est un instrument hybride de placement/financement sous la forme d’un prêt « senior » de 1er rang dont la rémunération est calculée selon le partage convenu à l’avance d’un EBITDAR soigneusement défini, indicateur de la performance de l’entreprise (ou du projet). Comme vous le savez, interrogé à votre initiative, Monsieur Le Député, Bercy a avancé plusieurs objections, que nous reprenons et auxquelles nous avons répondu, dans les termes de l’annexe ci-dessous . Compte tenu du caractère « disruptif » du Financement 4P, nous vous avancions qu’il serait souhaitable, pour sa mise en pratique, de rassurer les acteurs du marché par l’écriture d’un amendement, plutôt que d’attendre que le marché en exprime le besoin. A titre d’exemple, nous avions interrogé un organisme de logement à vocation humanitaire à risque dilué. Mais il bénéficie de financement étatique de très longue durée (40 ans semble-t-il !) à des taux défiant toute concurrence.   Sur le même registre, je peux témoigner de mon expérience du financement des logements à rénover en Allemagne Orientale au lendemain de la chute du mur de Berlin.   Aujourd’hui, la réforme de l’ISF, intuition du programme du Président de la République, est ressentie comme injuste. Son ambiguïté réside en l’absence de distinction entre « actifs nouveaux » (marché primaire) et « actifs anciens » (marché secondaire). Les seconds catalysent les bulles financières, sans générer de nouveaux développements. Et paradoxalement, depuis octobre 2017, le CAC 40 et le CAC 40 Small and Mid Cap ont respectivement évolué de 5 503 pts à 4 780 pts, de 14 436,87 pts à 11 643,79 pts, chute tendancielle depuis l’été 2018. Pour compenser, les entreprises, pour maintenir leurs cours, font supporter l’effort par la « réduction » des charges salariales.Sur un autre registre, dans le contexte actuel, toute action par la fiscalité sur les prix impactant un produit de première nécessité peut provoquer immédiatement des réactions.   La défiance est nocive, le lien social peut cependant être rétabli. Le Financement 4P y contribuera en établissant un partenariat entre toutes les parties prenantes. Il faut en profiter pendant que le QE perdure et que la liquidité/les taux restent bon marché.  François Bayrou, dans l’interview qui a suivi ses échanges avec une ou plusieurs délégations de « gilets jaunes » reçues à Pau, pointait sur leur désarroi face à une société qui se « déshumanise ». Citons ci-après un extrait des Cahiers de Charles Péguy, cet écrivain énigmatique, inspiré, que seul un pays comme la France peut engendrer. “Ce ne sont pas quelques livres de débauche qui sont dans le monde moderne ce point secret de résistance que sont dans le monde chrétien les Evangiles. Ce ne sont pas quelques livres de débauche qui sont l’antipode des Evangiles, le point secret diamétral contraire du point secret des Evangiles : ce qui est le point secret de résistance du monde moderne, ce qui est dans le monde l’antipode des Evangiles, le point diamétral contraire de ce point secret que sont les Evangiles dans le monde chrétien, ce qui est dans le monde moderne ce que les Evangiles sont dans le monde chrétien, ce ne sont pas quelques livres de débauche (aucun n’en aurait la force), c’est le livret de caisse d’épargne” La première partie de l’amendement proposé prend précisément le contre-pied de ce point névralgique et le supprime. « Au sens et pour l’application des dispositions du code monétaire et financier, du code de commerce et du code général des impôts et des législations et règlements d’application subséquents, est considérée comme un prêt d’argent la créance détenue par toute personne qui apporte un financement dont la seule contrepartie est une rémunération proportionnelle aux résultats de l’exploitation, convenue contractuellement et calculée à partir d’un solde de gestion comptable. En cas de difficulté de la personne physique ou morale emprunteuse, le prêteur visé à l’alinéa précédent ne peut être poursuivi pour immixtion caractérisée ou gestion de fait à raison de l’absence de rémunération du prêt consenti résultant de l’application normale du contrat de prêt. Il en est de même à raison des informations demandées et des contrôles exercés par l’emprunteur sur le débiteur en vue de l’exécution normale du contrat de prêt visé à l’alinéa précédent. » Contrairement à la théorie communément admise, l’épargne rationnelle est en réalité toujours en relation avec un revenu indéterminé. Elle est animée tant par le désir de provisionner pour faire face aux aléas futurs, quel que soit le rendement escompté, que par la recherche du profit (EBITDAR). Cette affirmation bouleverse le postulat selon lequel les courbes d’épargne et d’investissement se croisent en un point d’équilibre, le taux d’intérêt. Croissantes en fonction du profit (EBITDAR), les deux courbes ici se confondent.  Innovation financière paisible, le Financement 4P, non toxique, coche beaucoup de cases : traçabilité, peu spéculatif, outil de financement des entreprises, rendement d’épargne sécurisé par des ratios contractuels. Il peut coexister avec des financementsclassiques.  Il n’est pas trop tard pour introduire cet amendement, peu coûteux, dans la Loi Pacte d’ici son adoption définitive au printemps prochain. Après consultation de l’ACPR, le circuit d’origination et de distribution des Euro PP paraît le plus propice compte tenu de l’absence d’obstacle prudentiel.  Nous n’avons toujours pas rencontré Madame Dessertine de l’AMF. L’Etat dispose de moyens s’il le souhaite: CDC, BPI, IdInvest…, lui-même comme émetteur. Nous poursuivons avec notre bâton de pèlerin. L’association des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion … Lire la suite

La famille, trou noir de la science économique

par Pierre de Lauzun Article publié le 11 décembre 2018 sur France-Catholique.fr Il n’est pas sûr que la science économique soit complètement une science. Mais ce qui est sûr, c’est qu’elle fait de redoutables impasses. Qui ont l’air anodines au niveau des manuels universitaires, mais qui impactent dangereusement notre perception de la réalité et nos choix. La plus grosse de ces impasses, c’est la famille. Communauté de base de la société, la famille assure gratuitement des prestations vitales pour cette société : outre la solidarité et les services mutuels de ses membres, c’est le lieu de la naissance et de l’éducation des enfants, donc en termes matérialistes de la reproduction de la société, l’endroit où se fait l’investissement le plus vital pour elle. Or ce travail essentiel n’est comptabilisé nulle part.  Pourquoi ? Parce que toutes les mesures d’activité économique sont basées exclusivement sur ce qui fait l’objet d’un paiement en argent. Toutes les transactions marchandes bien sûr, mais aussi tout ce qui est lié à la puissance publique, impôts et prestations. Mais ce qui est donné ou échangé sans dimension monétaire n’est pas enregistré, donc pas analysé. Tout se passe comme si cela n’existait pas.  Or comme on l’a dit c’est vital, non seulement pour la vie commune, mais pour la vie économique en particulier, même au sens étroit dominant. Il y a donc une énorme faille dans l’analyse et donc dans la réalité des décisions. C’est ce qui fait par exemple qu’un célibataire qui épouse sa femme de ménage fait baisser le PNB, puisque la transaction marchande est remplacée par une prestation non rémunérée matériellement. Alors même que le service est le même, voire meilleur. Ou que le temps passé à éduquer des enfants soit compté pour zéro, car on ne compte que les dépenses extérieures qu’ils occasionnent, nourriture, logement et autres. Au même niveau que des animaux de compagnie. Remplacez vos enfants par des chats, vous ne changerez pas grand-chose économiquement. Pourtant à terme vous détruirez l’économie. Mais aucun indicateur ne vous le dira.  Résultat, la gigantesque dégradation collective qu’implique l’effondrement actuel de la natalité occidentale, l’absentéisme des parents, voire le relâchement de leur souci éducatif n’est enregistrée nulle part. Pire, elle permet l’augmentation du PNB, si les parents en profitent pour dépenser plus ailleurs, et surtout pour gagner plus. Les statistiques diront qu’il y a un progrès, alors qu’en termes de prestations réelles, il y aura régression, éventuellement mortelle.  L’impasse va même plus loin, car l’unité de base économique réelle n’est pas l’individu, mais la famille. Les gens prennent leurs décisions de dépense et d’investissement dans ce cadre. C’est donc là que la science économique devrait examiner leur comportement. C’est aussi ce cadre-là qui devrait être pris en compte dans les entreprises.  Faut-il verser un salaire aux mères de famille ? On peut en discuter. Cela aurait l’avantage de souligner leur apport réel, qui est massif. En même temps la question va bien au-delà. Car ce salaire, qui serait en pratique une forme d’allocation familiale, ne serait jamais à la hauteur de la contribution. Cela ne nous dispenserait donc pas d’une modification radicale du regard, qui doit nous conduire à remettre au centre de l’attention, y compris des économistes, cette communauté vitale qu’est la famille. À voir d’abord comme une communauté de don gratuit. Sans ce don, pas de don, pas de société Parus le 11 décembre 2018